« Si vous voulez un guide de ce qu’il ne fallait pas faire, il est là » : la Rosemontoise, Ehpad à la dérive
2020-08-26 13:03:25
Sous tutelle depuis avril, l’établissement de Valdoie (Territoire de Belfort) fait l’objet de la première information judiciaire pour « homicide involontaire ». « Le Monde » s’est procuré le rapport « glaçant » des administrateurs provisoires.
Les plaintes déposées contre les Ehpad à la suite des nombreux décès liés au Covid-19 ont-elles des chances d’aboutir, et des responsables d’être désignés ? Pour l’instant, l’unique information judiciaire de France ouverte concerne l’Ehpad de la Rosemontoise, pour des faits d’« homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence », et d’« abstention volontaire des mesures destinées à combattre un sinistre dangereux pour les personnes ». Trente personnes âgées et une aide-soignante sont mortes au printemps dernier dans cet établissement de Valdoie (Territoire de Belfort).
Une quarantaine de plaintes
Dans ce dossier, il y a quatre plaignants : Sébastien Lévêque, dont le père Bernard a été emporté à 73 ans par le Covid, sans explication ni rite funéraire ; les deux sœurs de Patricia Boulak, aide-soignante depuis 1989 à la Rosemontoise, décédée à 53 ans ; ainsi que l’ancienne maire de la ville Corinne Coudereau.
Fabien Arakelian, leur avocat, a déposé en tout une quarantaine de plaintes contre des Ehpad (à Clamart, dans les Hauts-de-Seine, à Mougins, dans les Alpes-Maritimes…) et en a refusé autant, car « le lien de causalité est difficile à faire » entre la gestion des établissements et le nombre des victimes. Toutes ont donné lieu à l’ouverture d’enquêtes préliminaires. « Tous ces dossiers sont horribles, mais dans le dossier de la Rosemontoise, il n’y a aucun débat. Si vous voulez un guide de ce qu’il ne fallait pas faire, il est là », accuse-t-il.
Les sœurs de Patricia Boulak racontent que l’aide-soignante se sentait « maltraitante », en raison du manque de personnel, avant même l’irruption du virus. Le Covid est arrivé dans l’établissement dès la fin février, ramené par des membres du personnel qui ont participé au rassemblement évangélique de Mulhouse, considéré comme l’un des premiers clusters de France.
Le confinement n’est décidé que le 14 mars, et le 17 mars se tient une réunion de soins. Au cours de celle-ci, des consignes auraient été données par la direction : « Le port du masque de protection était proscrit afin d’éviter toute situation de psychose au sein de l’établissement. Les salariés bénéficiant d’un arrêt maladie étaient invités à reprendre leur poste avant même la fin dudit arrêt. Aucune mesure spécifique n’était prise concernant les salariés présentant des pathologies », est-il écrit dans la plainte.