Attaque à Paris : Youssef, le « deuxième suspect », mis hors de cause, raconte comment il a tenté d’arrêter l’assaillant
2020-09-28 18:18:43
Présenté comme le « deuxième suspect » de l’attaque perpétrée devant les ex-locaux de « Charlie hebdo », il raconte au « Monde » comment il a tenté d’arrêter l’assaillant avant d’être lui-même pris à tort pour un complice.
« Je voulais être un héros et je me suis retrouvé derrière les barreaux. » Avec un sourire un peu désolé, Youssef résume son histoire, celle d’un geste courageux qui l’a conduit tout droit en garde à vue dans une affaire de terrorisme. L’espace d’une demi-journée, cet Algérien d’une trentaine d’années a été le « deuxième suspect » de l’attaque qui s’est déroulée dans la rue des anciens locaux de Charlie Hebdo, vendredi 25 septembre.
Il a été libéré dans la nuit de vendredi à samedi, après avoir été totalement mis hors de cause. « Son récit est tout à fait crédible, il n’est pas du tout connu de nos services », confie une source policière haut placée. Aucune charge n’est retenue contre lui. Le Monde l’a rencontré longuement, samedi 26 septembre, en compagnie de son avocate, Me Lucie Simon.
Il raconte, presque comme une mauvaise farce, l’enchaînement des événements. Son récit est régulièrement interrompu par ses deux frères et son meilleur ami, qui semblent se rendre compte plus que lui de la gravité de la situation dans laquelle il s’est retrouvé. Il est aux alentours de midi quand cet ouvrier quitte son frère qui travaille dans un immeuble non loin de la rue Nicolas-Appert.
« J’ai entendu les cris d’une femme »
« J’étais en train d’entrer dans ma voiture, quand j’ai entendu les cris d’une femme. Je regarde dans mon rétroviseur pour voir ce qui se passe, puis je sors de ma voiture, et j’entends cette fois un homme qui crie : “Non, non, non !” A ce moment-là, je vois un mec suspect qui court en direction du métro Richard-Lenoir, je suis parti directement pour le suivre. »
Youssef pense qu’il s’agit d’une agression. « Dans ma tête, je vais essayer d’attraper la personne qui a fait ça », explique-t-il. « Ce n’est pas la première fois qu’il fait ce genre de choses », ajoute son grand frère, avec un mélange de fierté et d’inquiétude.
Youssef voit l’individu se débarrasser d’un « grand couteau ». Il s’agit, en réalité, du hachoir avec lequel il vient d’agresser et de blesser grièvement deux salariés de la société de production Premières Lignes, dont les locaux se situent dans l’ancien immeuble de Charlie Hebdo. Il s’engouffre à sa poursuite dans le métro. Il enjambe le portique, hésite sur la direction à suivre et prend l’escalier sur la droite.
« Il m’a sorti une lame de cutter »
« Je me suis retrouvé sur le quai d’en face, je le vois de l’autre côté. Je lui ai dit : “Toi, reste là !”, j’ai fait comme un flic », s’amuse-t-il. Il rebrousse chemin et prend la direction du bon quai. « J’arrive, et je lui demande ce qu’il a fait. Il m’a sorti une lame de cutter. » Youssef reste à distance. « Il m’a dit quelque chose, mais je n’ai rien compris. Je crois qu’il ne parlait pas le français. Il était étonnamment calme. C’est comme s’il attendait tranquillement le métro. Il est monté dedans sans agresser personne, et il est parti en direction de Bastille. » Youssef a le temps de voir du sang sur le visage et sur la main de l’homme qui lui fait face.
En ressortant du métro, Youssef croise un homme avec une barre de fer qui cherche l’agresseur. Il le dissuade de suivre le suspect. La police est appelée sur les lieux, et débarque une dizaine de minutes plus tard. Youssef explique la situation à un agent et l’informe que le suspect s’est dirigé vers Bastille.
« Ensuite, je voulais aller voir les victimes, mais un policier m’a dit : “Tu dégages !” J’ai raconté que j’avais suivi le mec. Ils m’ont d’abord dit de laisser mon numéro de téléphone. Ensuite, un policier m’a dit de me mettre contre le mur, il m’a fait une fouille. Un de ses collègues lui a dit de me lâcher, que je n’avais rien fait. » Youssef quitte alors les lieux en voiture. Il veut aller chercher son portefeuille avec sa pièce d’identité pour pouvoir témoigner.