Rungis, le plus grand marché de gros au monde a 50 ans

  • 2019-03-04 00:47:35
Le marché de Rungis est un marché plus plus plus : plus grand, plus important, plus gros, y compris dans son architecture. Rungis est une ville dans la ville. Le marché s’étend sur 234 hectares, concentre 1 200 entreprises de gros, 12 500 salariés. Un marché hors norme né du ventre du Paris il y a 50 ans, installé depuis dans la banlieue sud de la capitale, à Rungis. Le plus grand marché de gros du monde voit transiter plus de 9 500 tonnes de produits frais par jour pour 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le titre est en Une de la presse au moment du déménagement du marché des Halles centrales vers Rungis. La commune, située dans le Val-de-Marne, au sud de Paris, est alors entourée de champs et de terrains agricoles. Les Halles au cœur de la capitale sont situées dans le pavillon Baltard, construit à la demande de Napoléon III au XIXe siècle. La décision de construire un autre marché et d’y transférer les grossistes des Halles est politique, largement motivée par le manque d’hygiène et l’encombrement du centre de Paris. Fin février 1969, le premier marché à fermer est celui des fleurs. Suivis des grossistes en produits de la mer, les fruits, les légumes et enfin les produits laitiers soit 1 000 entreprises, 20 000 personnes, 1 500 camions… Une escorte militaire est prévue pour l’occasion, elle ne sera finalement pas nécessaire. Le pavillon des viandes, des produits carnés rejoindra Rungis quatre ans plus tard, en janvier 1973. « Quand on sort de Rungis, on est perdus » D’Agostino a connu les Halles centrales, le déménagement. La cave de Rungis c’est lui. Enfin, avant sa retraite. Il est présent tous les matins et se souvient : « La viande, le fromage, la volaille étaient à l’abri sous les halles du Baltard, dans le grand bâtiment, tandis que nous aux fruits et légumes, nous étions en plein air, sur le carreau, il fallait bâcher quand il pleuvait, il fallait une pile électrique, une lampe torche pour voir la marchandise et puis évidemment il n’y avait pas tous ces accessoires de manutention que nous avons aujourd’hui ! C’était difficile de circuler, il y avait les trottoirs, les gens et je dis toujours que lorsque nous sommes arrivés ici à Rungis, on sortait de chez " Zola " pour venir au XXe siècle. C’était tellement moderne ! Et l’ambiance ? Ce n’est plus du tout la même vie. Avant les fruits et légumes, c'était l’après-midi, beaucoup étaient des gens de marché donc on leur laissait le temps de remballer et de faire leurs achats. Mais à Rungis, comme à l’époque, il n’y avait pas d’autoroute, que le périphérique n’était pas terminé, tout le monde rentrait à la même heure, c’était un bazar indescriptible. Après, il y a eu les 35 heures, alors automatiquement, les fruits terminent à 9h et les commerçants ne restent pas pour se restaurer… Mais il reste une convivialité ! Les gens, ici, même dans le froid de la nuit, se disent bonjour se parlent ! Quand on sort de Rungis on est perdus, nous, parce que les gens ne se parlent pas. Ici, les gens aiment bien les gens ». « A Rungis, le soleil c’est nous qui le portons en nous » A Rungis, la journée commence en pleine nuit, à La Marée, le pavillon de la pêche. Immense bâtiment surmonté d’un insigne lumineux, A4, comme la voile d’un bateau. Difficile de le rater, et c’est avec une certaine fierté que les visiteurs passent la porte de ce pavillon emblématique. La Marée est réservée aux lève-tôt, elle ouvre à minuit et les derniers échanges s’opèrent autour de 5h du matin. « C’est un marché, on y négocie et marchande les prix, les produits. La gouaille n’a pas quitté les allées. Les clients, eux, un peu plus, explique Philippe Poulain. Internet a changé la donne, les téléphones portables aussi, et les clients qui commandent sans voir ne font plus exception ». Du côté des pavillons des produits carnés, les scies et les couteaux débitent de lourdes carcasses, et déshabillent des têtes des veaux. Des scènes impressionnantes, de quoi faire tourner de l’œil les âmes les plus sensibles, l’atmosphère tranche. Concentrés, calmes, attentifs et précis, les coupeurs racontent un peu de leur vie la nuit, de la liberté que cette vie-là leur offre et des répercussions sur la vie familiale. A Rungis, on vient aussi un peu par hasard, parce qu’on a un père déjà sur le marché, on connait le frère d’un ami. On se cherche, on vient se trouver. « Attention ! Voyez la feuille ( large hachoir de boucher ) je la lâche, je vous coupe le pied ! » Le sourire fend le visage de Patrick, amusé dans son grand manteau blanc à capuche tâché du sang des bêtes qu’il découpe. A deux pas, la volaille, blouse blanche de rigueur, comme le gibier et le foie gras au moment des fêtes. A Noël : si vous voyiez le pavillon au moment des fêtes de fin d’année ! « On va chercher le meilleur prix donc on va chercher le prix au cœur du client » « A Rungis, le fournisseur est roi. Quand on vend à la commission, on vend à l’instinct. On ne fait pas qu’additionner un produit plus une marge, on va chercher le meilleur prix donc on va chercher le prix au cœur du client ! On fouille le client pour savoir s’il est capable de payer ou pas, c’est un savoir-faire, intuitif inné... je ne sais pas, on va chercher des ressources psychologiques pas mathématiques. On va chercher le bon prix et tous les matins c’est un défi : j’ai acheté de la marchandise, je me suis engagé auprès de mon fournisseur, il faut vendre la marchandise et développer cela. C’est un savoir-faire », affirme Gino Catena, grossiste en volaille, foie gras et gibiers, directeur général du groupe Avigros. Les fruits, les légumes Le marché de Rungis s’étend sur plus de 200 hectares et les fruits et légumes sont les produits les plus demandés, les plus échangés. Les stars, en somme, en format XXL. Sept halles leur sont consacrées. En 2016, 70 % des arrivages de produits frais étaient des fruits et des légumes, soit plus de 1,2 million de pommes, poires, carottes, navets et autres pêches, fraises ou poireaux contre quelque 269 000 poulets ou veaux. Les maraîchers sont les plus importants ; comme dans l’assiette, il y a généralement plus de légumes que de viande ou de poissons. Les saisons continuent de donner le ton, les saveurs, les couleurs, dans le grand brouhaha et la virevolte des grossistes, des acheteurs des curieux, des gourmands ; du marché en somme ! N’oublions pas les fleurs, les plantes en pots, les premières à avoir déménagé sont bien à Rungis. AFP.

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