Un journaliste du «Monde» soupçonné de «violences psychologiques» et de «harcèlement sexuel»

  • 2019-03-06 22:59:58
« C’était en 2017, il devait être près de 23 heures quand j’ai reçu son message sur Facebook, via l’application Messenger », se souvient la journaliste Fanny Bouton. Ce soir-là, un reporter du Monde qu’elle n’a jamais rencontré, mais avec qui elle partage plus de 200 relations professionnelles sur ce réseau social, lui transfère un lien vers le site de partage d’images Flickr. « J’ai cliqué et je suis tombée sur des photos de lui entièrement nu. On voyait distinctement son visage, il ne se cachait pas du tout. » Immédiatement après avoir cliqué, l’homme s’excuse et invoque une mauvaise manipulation. « Sur le moment, je n’ai pas répondu, j’ai laissé couler. Je me suis simplement dit "pauvre gars" », poursuit cette spécialiste des jeux vidéo et des nouvelles technologies. Le déclic de la « Ligue du lol » En juin 2018, la jeune femme effectue un voyage entre amies, la plupart d’entre elles sont attachées de presse. « On se racontait nos anecdotes de dragues pathétiques et les comportements de mecs gonflés rencontrés dans nos carrières respectives. J’ai évoqué cette histoire de photos et l’une d’elle a immédiatement réagi. Elle avait reçu les mêmes clichés de la part du même homme », souffle Fanny Bouton. Six mois plus tard, le scandale de la « Ligue du Lol », révélé par Libération, éclate et fait office de « déclic » raconte-t-elle : « Je fouillais dans mes captures d’écran parce que je cherchais des éléments concernant l’un des comptes Twitter soupçonné d’être lié à cette fameuse ligue quand je suis retombée sur les photos de ce journaliste. » Le 12 février, elle décide de lancer sur sa page Facebook cet appel à témoignages : « Hey les filles journalistes et RP, avez-vous déjà reçu d’un journaliste du Monde des photos de lui nu ? (…) On est déjà trois à avoir eu affaire à lui. » En deux jours, Fanny Bouton est contactée par une dizaine d’autres femmes. Toutes racontent le même mode opératoire, la même stupéfaction, le sentiment de gêne et le malaise. Ce 6 mars 2019, huit d’entre elles ont choisi de déposer plainte contre X, quatre pour « harcèlement sexuel » et toutes pour « violences psychologiques ». Ces femmes accusent le reporter de leur avoir envoyé, sans leur consentement, des images de lui à caractère sexuel. Une enquête interne lancée au « Monde » Quelques heures après la publication de l’appel à témoignages par Fanny Bouton, la direction de la rédaction du journal l’a contactée. « Ils étaient très inquiets », précise-t-elle. « Dès que nous avons eu connaissance de ces témoignages, nous avons déclenché une procédure d’enquête interne qui est toujours en cours », confirme à 20 Minutes Jérôme Fenoglio, directeur de la publication. Selon nos informations, l’homme aurait été rapidement identifié après un témoignage en interne. « Le salarié a été mis à pied à titre conservatoire dans l’attente d’un entretien formel auquel il était convoqué à la fin du mois de février », ajoute le directeur du journal. Dans le même temps, un mail aurait été adressé à l’ensemble de la rédaction afin de rappeler les récentes dispositions mises en place au sein du groupe pour lutter contre le harcèlement – notamment le harcèlement sexuel – et les discriminations. « Nous sommes extrêmement vigilants sur ces questions, un cabinet extérieur a réalisé pour nous une étude afin d’élaborer une formation sur les questions de harcèlement et de mettre en place un dispositif d’écoute et d’alerte spécifique », poursuit Jérôme Fenoglio. Une « impossibilité de réagir » pour ces femmes La plainte déposée ce jour fait état de messages très similaires envoyés entre 2012 et 2017 sur Messenger. Si certaines ont côtoyé ce journaliste dans le cadre de leur profession, d’autres, comme Fanny Bouton, ne l’avaient jamais rencontré. Pour Valentine Rebérioux, l’avocate des plaignantes, il s’agit d’« un cas d’école » : « On est ici face à un comportement déviant d’un individu dans le cadre de relations professionnelles. Il cible un profil type : des jeunes femmes âgées de 30 à 35 ans, attachées de presse, directrices d’agence ou de communication. Cet homme est connu dans le milieu dans lequel il évolue et travaille pour l’un des plus grands titres de presse français. Vous ne pouvez pas vous permettre de vous fâcher avec cette personne et ça a entraîné chez beaucoup de femmes une impossibilité de réagir pour ne pas se "griller" auprès de ce média important ». AFP.

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