A la rencontre du dinosaure de Chrome, « le jeu le plus joué sur Internet »

  • 2019-09-15 12:54:17
Google revendique 270 millions de parties par mois pour le « jeu du dino », caché depuis cinq ans dans le navigateur Chrome. Nous avons parlé avec le Français Sébastien Gabriel, l’un de ses concepteurs. La date exacte de sa sortie s’est perdue dans les limbes du Net : la presse l’a, en tout cas, découvert le 25 septembre 2014. Ça fait cinq ans ce mois-ci qu’il a débarqué dans nos vies à la faveur d’une mise à jour du navigateur Chrome. Depuis, il s’agit « probablement le jeu le plus joué sur Internet », s’est rejoui Sundar Pichai, le PDG de Google (qui gère Chrome). Avec ses 270 millions de joueurs revendiqués par mois, il joue – à la complexité technique près – dans la même cour que Fortnite et ses 78,3 millions de joueurs mensuels. Ce succès phénoménal a été développé par quatre personnes seulement, dont deux Français. Il n’a pas de nom officiel. Durant son développement, il était surnommé chez Google Project Bolan, du nom du leader du groupe T. rex. Son cocréateur, lui, l’appelle T. Rex Game ou Chrome Dino. « C’était pas vraiment pensé pour avoir un nom accrocheur », reconnaît Sébastien Gabriel, interrogé par Pixels à l’occasion de cet anniversaire. Nous l’appellerons donc « le jeu du dino ». Un nom simple, discret, qui lui va bien. Vous utilisez le navigateur Web de Google ? Vous avez déjà eu une panne d’Internet ? Vous avez déjà vu le jeu du dino, sans doute sans le savoir. Pour le voir apparaître, il faut ouvrir un nouvel onglet Chrome, sur un ordinateur déconnecté. Synonyme de retour à la préhistoire, « quand Internet n’existait pas encore », un mignon petit dinosaure en pixels délivre un message d’erreur. Mais depuis 2014, miracle : d’une pression sur la barre d’espace de votre clavier (ou depuis 2016, d’une pression sur votre écran de smartphone), le dino fait un petit bond, pour s’élancer dans une folle course dans le désert. C’est un des jeux les plus simples au monde : on saute avec la touche espace, on se baisse avec la flèche du bas… et c’est tout. Le dinosaure avance tout seul : au joueur de s’assurer qu’il aille le plus loin possible en évitant les cactus et les ptérodactyles sur son chemin. Impossible de gagner : « on perd toujours à la fin, tout comme les dinosaures », s’amuse Sébastien Gabriel, qui revendique un score de 2 000 points et quelques. Le succès est tel (en particulier dans des pays peuplés où la connexion Internet est imprévisible, comme l’Inde, le Brésil, le Mexique ou l’Indonésie) qu’après sa sortie, une version pour jouer même lorsqu’on a Internet a vu le jour. Revenir à l’essentielCinq ans plus tard, le petit dino est devenu un élément à part entière de la culture Internet. Certains, sur le modèle du personnage de Chris Pratt dans Jurassic World, lui inventent un dresseur sexy, tandis sur le forum Reddit, on dessine des bandes dessinées à sa gloire, ou on se demande qui est la personne à avoir atteint le meilleur score. Au risque de les décevoir, Sébastien Gabriel nous le confirme : Chrome ne garde pas trace des scores des 270 millions de joueurs mensuels estimés. La popularité du petit dino n’était pas gagnée d’avance. Un navigateur est une fenêtre sur Internet : il existe pour être transparent, pour se faire oublier. « Bizarrement, les pages d’erreur sont des rares moments d’identité pour Chrome », explique Sébastien Gabriel. Le jeu du dino est né, selon lui, « d’un effort pour rendre les pages d’erreur plus agréables, utiles et interactives. Le but étant d’essayer de réduire la frustration des utilisateurs lorsqu’une requête n’aboutit pas. » Une équipe de quatre personnes s’attelle alors à la tâche : le programmeur Edward Jung, le designeur Alan Bettes, ainsi que deux Français, Sébastien Gabriel, responsable des graphismes et « Manuel, qui s’attela à créer des sons 8-bit pour coller à l’aspect très old-school ». Ensemble, ils envisagent un jeu plus complexe, des animations inspirées de Sonic, ou encore la possibilité pour notre dino de rugir. Avant, finalement, de revenir à l’essentiel : « Une grande inspiration fut Canabalt [le pionnier du jeu mobile], explique Sébastien Gabriel. J’y jouais beaucoup à l’époque. » Une statuette de dinoMais, en réalité, le petit dino est plus ancien que le jeu proprement dit. C’est Sébastien Gabriel qui lui donne vie, en janvier 2012, quand il arrive au sein de l’équipe de Chrome. « Ma première responsabilité fut d’élaborer un nouveau design pour tous nos messages d’erreur (…). J’en ai gardé la responsabilité au fil des années et ai continué à y travailler en plus d’autres projets plus urgents. » Il s’inspire ainsi du design minimaliste et amusant des messages d’erreur existants, dont une icône de dossier au regard vide qui tire la langue, accompagné d’une légende (« he’s Dead Jim ») qui fait référence à Star Trek.

متعلقات