Au Mexique, les cartels s’adaptent à l’épidémie due au coronavirus
2020-04-20 15:06:18
En distribuant des produits de première nécessité et en se substituant aux autorités, les narcotrafiquants tentent de renforcer leur prestige et de s’acheter des loyautés.
Sur des vidéos, de jeunes et jolies femmes remplissent puis distribuent des cartons de vivres dans la banlieue de Guadalajara, dans l’ouest du Mexique. Elles portent des masques en tissu à l’effigie du célèbre narcotrafiquant mexicain, Joaquin « El Chapo » Guzman. L’initiative a été postée sur les réseaux sociaux par l’une des filles de l’ancien chef du puissant cartel de Sinaloa, incarcéré aux Etats-Unis.
C’est tendance, chez les mafieux mexicains, de jouer les bienfaiteurs. Ils le font savoir, en pleine crise économique provoquée par la pandémie due au coronavirus. Si les cartels sont eux-mêmes touchés, ils rebondissent vite face à un Etat dépassé par l’urgence sanitaire.
Papier-toilette, riz, haricots, soupe en sachets, huile… les cartons de denrées de première nécessité, destinées aux personnes âgées pauvres, sont estampillés « El Chapo 701 ». C’est la marque de vêtement et d’alcool créée par Alejandrina Guzman, la fille du narcotrafiquant. Le « 701 » fait référence au rang occupé, en 2009, par El Chapo dans le classement Forbes des hommes les plus riches du monde.
La marque n’a jamais été mise en cause dans des activités illégales. L’initiative bénéficie néanmoins à l’organisation mafieuse de son père. C’est le quatrième cartel à vanter ses opérations de bienfaisance sur le Web depuis l’alerte sanitaire déclarée le 30 mars.
Drogue bloquée dans les ports
Début avril, le cartel du Golfe a été le premier à mettre en ligne une vidéo plus guerrière : armés de fusils-mitrailleurs, des hommes masqués remettent des colis aux habitants des villages pauvres de l’Etat de Tamaulipas, dans le nord-est du Mexique, fief de l’organisation. Dans la foulée, le cartel Jalisco Nouvelle Génération et celui de Los Viagras ont vite posté à leur tour des images de piles de cartons et de sacs de vivres, étiquetés de leurs sigles mafieux respectifs.
Ces distributions de denrées ne sont pas nouvelles. Leur diffusion sur Internet l’est davantage. « Les cartels renforcent leur base sociale, explique Edgardo Buscaglia, spécialiste du crime organisé à l’université de Columbia à New York. Par exemple, les réseaux mafieux devraient proposer des crédits aux petits commerçants au bord de la faillite pour s’acheter leur loyauté. » Le Fonds monétaire international anticipe une récession de 6,6 % cette année, dans un pays où près de la moitié de la population est considérée comme pauvre et où un Mexicain sur cinq gagne moins de 2 dollars (1,83 euro) par jour.