Affaire Fillon : l’ex-procureure financière évoque « une énorme pression » de sa hiérarchie

  • 2020-06-21 18:32:18
Devant la commission d’enquête parlementaire, Eliane Houlette a parlé de « très, très nombreuses demandes » de sa supérieure dans cette affaire visant François Fillon et son épouse, Pénélope. La justice financière est dans la tourmente. En s’exprimant très librement, mardi 10 juin, devant des députés, l’ancienne procureure financière, Eliane Houlette, a spectaculairement réactivé les doutes visant la gestion judiciaire, en 2017, de l’affaire Fillon, et les soupçons d’instrumentalisation politique. Le député Les Républicains (LR) Eric Ciotti a notamment saisi le président de la République, Emmanuel Macron, jeudi 18 juin, et réclamé l’ouverture d’une enquête pour « forfaiture ». Et ce, alors que le jugement de l’affaire, pour laquelle l’ancien premier ministre et son épouse Penelope ont comparu en correctionnelle en début d’année, doit être rendu le 29 juin… Réputée pour sa discrétion lorsqu’elle était à la tête du Parquet national financier (PNF), Eliane Houlette, à la retraite depuis 2019, s’est « lâchée » devant la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée nationale sur « l’indépendance du pouvoir judiciaire », ainsi que l’a rapporté Le Point, jeudi 18 juin. L’ex-magistrate a notamment dénoncé les « pressions » qu’elle aurait subies de la part de sa supérieure hiérarchique, la procureure générale de Paris, Catherine Champrenault – placée sous tutelle de la chancellerie −, début 2017, en pleine campagne présidentielle, alors que la justice venait d’être saisie du scandale Fillon. Evoquant les « très, très nombreuses demandes » de sa supérieure, elle assure que le parquet général s’ingérait « au quotidien dans l’action publique ». Ces demandes étaient « d’un degré de précision ahurissante (…). Je les ai ressenties comme une énorme pression ». D’après l’ancienne procureure, le parquet général, rattaché directement au ministère de la justice, exigeait des « remontées d’informations » le plus rapidement possible : « Les demandes de précisions, de chronologie générale – tout ça à deux ou trois jours d’intervalle –, les demandes d’éléments sur les auditions, les demandes de notes des conseils des mis en cause… Les rapports que j’ai adressés, je les ai relus (…). Il y a des rapports qui étaient circonstanciés, qui faisaient dix pages, précis, clairs, voilà », a déclaré Mme Houlette, allant jusqu’à glisser : « On ne peut que se poser des questions. C’est un contrôle très étroit… » « Convoquée au parquet général » Encore plus troublant, l’ex-magistrate indique par ailleurs avoir été « convoquée au parquet général », le 15 février 2017, « parce que le choix procédural que j’avais adopté ne convenait pas ». Le PNF conduisait alors une enquête préliminaire ouverte le jour des révélations du Canard enchaîné, le 25 janvier 2017, visant d’éventuels emplois de complaisance dont Penelope Fillon aurait bénéficié avec la complicité de son époux. « On m’engageait à changer de voie procédurale, c’est-à-dire à ouvrir une information judiciaire. J’ai reçu une dépêche du procureur général en ce sens », assure Mme Houlette. De fait, à la surprise générale, dès le 24 février, le PNF, invoquant un risque de prescription, annonçait l’ouverture d’une information judiciaire, procédure débouchant sur la désignation automatique d’un juge d’instruction, seul à même de signifier des mises en examen. Et c’est bien ce qui advint, dans une subite accélération du tempo judiciaire, en pleine campagne présidentielle dont M. Fillon était l’un des favoris.  

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