L’épidémie de Covid-19 plonge la Guyane dans une situation critique
2020-06-27 15:50:11
Chefs d’entreprise démoralisés, soignants « épuisés »… Alors que le pic de l’épidémie est attendu mi-juillet, la situation est déjà très tendue sur le territoire. La ministre des outre-mer a lancé un appel au volontariat aux soignants de métropole.
« J’étais de garde le week-end des 13 et 14 juin, quand la vague est arrivée sur l’hôpital de Cayenne », relate le docteur LoÏc Epelboin, infectiologue à l’unité de maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier de Cayenne. « On a cru qu’on n’y arriverait pas. En quarante-huit heures, on est passé de 26 lits à plus de 70 lits dédiés aux patients Covid », explique-t-il. Pour faire face, d’autres services ont été mobilisés, et six patients ont été évacués vers les Antilles. Venu en Guyane en 2007 pour son internat, ce médecin métropolitain de 41 ans est resté sur le territoire, parce qu’il s’y « sentait plus utile qu’à Paris », où il a commencé ses études.
« On a beau s’y être préparé, la situation est très tendue », résume l’infectiologue. Vendredi 26 juin, la Guyane cumulait 3 270 cas de Covid-19, soit un triplement en deux semaines, sur un territoire de 283 000 habitants. S’il y a eu six décès en sept jours, le taux de mortalité reste bas – dix décès au total – par rapport au nombre de cas. « On a bénéficié des premières études et des expériences de nos collègues de métropole », explique Loïc Epelboin.
Dans une zone qui fait figure de désert médical (deux fois moins de généralistes que la moyenne nationale pour 100 000 habitants, trois fois et demie moins de spécialistes), les équipes se serrent les coudes. « De nombreux collègues d’autres services sont venus nous aider », témoigne M. Epelboin, qui évoque aussi les renforts de la réserve sanitaire, des médecins venus des Antilles et de l’Hexagone, ou attendus bientôt. Reste à tenir sur la durée, le pic épidémique étant prévu mi-juillet. « Les équipes sont épuisées », s’inquiète une salariée de l’hôpital.
« Nous avons besoin de personnel pour armer les capacités de réanimation, c’est là notre difficulté », a indiqué mercredi Annick Girardin, la ministre des outre-mer, au terme d’un voyage de deux jours sur place. « Le besoin en ressources humaines va au-delà d’une centaine de personnes », a-t-elle ajouté, lançant « un appel solennel aux soignants et aux hôpitaux de l’Hexagone », pour faire venir « de très nombreux volontaires ».
« Plan Marshall »
L’Etat a misé notamment sur le renforcement des capacités de réanimation et de dépistage – passage de 200 à 800 tests par jour –, le soutien aux collectivités pour la distribution de masques et la prévention, et un contrôle renforcé aux frontières. Après un confinement du 16 mars au 11 mai, alors que le nombre de cas était peu élevé, la Guyane a été soumise à un couvre-feu le soir, puis le week-end. Mercredi 24 juin, la ministre Girardin a annoncé un durcissement des mesures : extension du couvre-feu à partir de 17 heures et de 13 heures le samedi au lundi 5 heures dans les communes les plus touchées, confinement de vingt et un quartiers à risque, port du masque obligatoire dans les espaces fermés, fermeture des bars et restaurants, interdiction de la consommation d’alcool sur la voie publique… Des décisions prises à la suite du redémarrage de l’épidémie, sous l’effet de relâchements festifs et de cas importés du Brésil – l’Etat voisin de l’Amapa est le plus touché du pays en nombre de cas par habitant.