Le Soudan tout près d’un accord de transition

  • 2019-05-20 21:53:34
Les représentants civils et militaires doivent se retrouver ce soir à Khartoum pour de nouvelles négociations, plus d’un mois après le départ du président Omar Al-Béchir. Il apparaît désormais si proche, ce pas, ce petit saut, qui fera entrer le Soudan dans l’ère post-Omar Al-Bachir. L’ex-président a été renversé le 11 avril sous la pression de la rue mais aussi parce que certains généraux ont saisi l’occasion de le déposer. Depuis, son pays est dans l’attente d’un accord entre civils et militaires pour gérer la suite, c’est-à-dire entrer dans une période de transition. Après, seulement, des élections pourront être organisées. On ne change pas un pays qui sort de trente ans de dictature islamo-militaire en un claquement de doigts, mais il faut bien commencer quelque part et, à Khartoum, la signature de cet accord, fixant les conditions d’une transition de trois ans, apparaît comme un incontournable début, incarnant le désir de ceux qui ont espéré voir advenir une ère nouvelle dont serait exclue l’ex-formation d’Al-Bachir, le Parti du Congrès national (NCP). Au cœur de la capitale, chacun veut croire à l’imminence de ce premier succès de la « révolution » dans ce gigantesque festival à ciel ouvert installé devant le complexe militaire qu’est le « sit-in », vitrine géante d’un Soudan démocratique. Après la phase de tensions en début de semaine, où des éléments armés ont tiré sur les barricades des manifestants, les négociations ont repris dimanche soir entre militaires et civils. Dans quelques heures, tous pourraient parvenir à un accord de partage du pouvoir, qui scellerait la fin de la première phase ouverte avec le renversement d’Omar Al-Bachir en avril, à quelques semaines de la célébration de son propre coup d’Etat, en juin 1989. « Sur le fil du rasoir »Comme il se doit, c’est dans les détails que résident les ultimes blocages avant le passage d’une telle ligne. Lundi 20 mai, comme la veille, sur le coup de 21 heures, les deux parties vont se réunir à nouveau. D’un côté les représentants du Conseil militaire de transition (TMC), qui a techniquement pris le pouvoir le 11 avril, au terme de ce qui a été un coup d’Etat mené par des généraux, mais sur lesquels s’exercent des pressions pour qu’ils transmettent en partie leurs responsabilités aux civils, les représentants des Forces pour la liberté et le changement (FFC). Des détails gênent encore. Rien n’est grave, tout peut le devenir. « Il y a plusieurs scénarios, et il est vraisemblable qu’on va parvenir à un accord, mais il ne faut pas se voiler la face, tout peut déraper. On est sur le fil du rasoir », avertit Rashid Saeed Yacoub, l’un des porte-parole chargés des affaires politiques de l’Association des professionnels du Soudan (SPA), l’organisation qui avait préparé le mouvement de contestation dans la clandestinité, a assuré sa survie durant trois mois de répression brutale, avant de jouer, au sein d’une vaste coalition – les FFC –, un rôle moteur pour la suite. Du fait de leur grande diversité (professeurs, étudiants, associations professionnelles, communistes baathistes, groupes armés, partis politiques traditionnels comme l’Umma, etc.), les FCC comptent de dangereuses divisions. Mais, comme l’explique une source de l’équipe discrète qui conduit des négociations entre les deux camps, « il fallait bien dissimuler le fait que, au sein des FCC, ce sont les responsables de la SPA qui comptent, et c’est aussi pour cela qu’ils s’efforcent de ne pas apparaître de façon publique, mais se retranchent derrière leurs porte-parole ». Maîtres psychologiquesCes derniers jours, c’est encore le SPA qui était à la manœuvre pour préparer le terrain d’un accord avec les militaires. Alors que la situation était bloquée, les organisateurs du « sit-in » ont joué de la pression en maîtres psychologiques, étendant le périmètre des barrages dans Khartoum jusqu’à bloquer l’artère qui longe le Nil, Nile Street, faisant de leur cité contestataire un immense quadrilatère au beau milieu de la capitale, allant du quartier général de l’armée au fleuve, avec leur bastion de l’université au beau milieu, et poussant ses zones de contrôles au-delà du Nil jusqu’à Bahri (Khartoum Nord), et à Omdourman. Les tirs d’éléments en uniforme juchés sur des pick-up ont fait craindre un dérapage qui annoncerait la fin de l’espoir d’une transition civile, mais au prix d’un bain de sang. Or, ce bain de sang, nul ne semble vouloir en assumer le prix. « Pour écraser le “sit-in”, les militaires devraient tuer un nombre important de gens, ce n’est plus possible. C’est la raison pour laquelle il faut trouver un accord », analyse Rashid Saeed Yacoub, avant de conclure : « On a donc décidé de diminuer le nombre de nos barricades. En trois heures, tout était démantelé sur Nile Street. » Démonstration de cohésion du groupe des civils, malgré ses divisions.

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