Algérie : la Cour constitutionnelle reporte l’élection présidentielle

  • 2019-06-03 00:08:53
La haute juridiction estime qu’il est impossible d’organiser le scrutin le 4 juillet comme prévu. Aucune autre date n’a été fixée. L’élection présidentielle prévue pour le 4 juillet en Algérie n’aura pas lieu faute de candidats. Le Conseil constitutionnel a rejeté les dossiers de deux illustres inconnus – Hamid Touahri, ingénieur en mécanique, et Abdelhakim Hamadi, vétérinaire –, déposés à la dernière minute, et constaté, dimanche 2 juin « l’impossibilité de tenir l’élection du président de la République, le 4 juillet 2019 ». Il demande aussi « la réorganisation de celle-ci ». C’est la seconde fois que ce scrutin est annulé en Algérie en quelques mois. L’ancien président, Abdelaziz Bouteflika, avait été contraint, sous la pression populaire, de renoncer au vote prévu pour le 17 avril et pour lequel il était candidat à un cinquième mandat. Le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, qui a contraint M. Bouteflika à la démission, voulait à tout prix la tenue de ces élections dans le respect de la procédure constitutionnelle. Une option contestée avec vigueur par le mouvement populaire entamé le 22 février ; ses acteurs exigent une transition démocratique suffisamment longue et récusent une élection qui serait, selon eux, une simple « réinitialisation » du régime élagué de ses branches les plus décriées. « Pas de négociations avec le “gang” »Les manifestations massives organisées chaque vendredi dans les villes du pays pour réclamer la fin de tout le « système » refusent la tenue d’élections sous la supervision du chef de l’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah, et du chef de gouvernement, Noureddine Bedoui. Fervents partisans du cinquième mandat de M. Bouteflika, ces deux hommes sont totalement discrédités aux yeux de la majorité des Algériens qui les désignent comme des membres du « gang » (issaba) au pouvoir. L’annulation de cette élection sonne donc comme une victoire du mouvement populaire dont la mobilisation, exceptionnelle chaque vendredi, a dissuadé les candidats potentiels. Mais cette victoire risque pourtant de ne pas être complète. Le Conseil constitutionnel laisse entrevoir de manière sibylline que l’intérim de Abdelkader Bensalah, qui expire normalement le 7 juillet, pourrait être prolongé jusqu’à la tenue d’une élection présidentielle. En appelant à la réunion des « conditions adéquates pour l’organisation de cette élection dans la transparence et la neutralité en vue de préserver les institutions constitutionnelles qui concourent à la réalisation des aspirations du peuple souverain », le Conseil constitutionnel souligne qu’il « revient au chef de l’Etat de convoquer de nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu’à l’élection du président de la République et la prestation du serment constitutionnel ». Bras de fer politiqueMais l’éventualité d’une prolongation de l’intérim de M. Bensalah a peu de chance d’être acceptée. Le mouvement populaire a justement mis la pression ces trois derniers vendredis sur le général Ahmed Gaïd Salah en martelant le slogan « pas de négociations avec le “gang” ». Et si le chef de l’armée a bien appelé récemment à un « dialogue sérieux », son intention reste d’organiser des élections présidentielles rapidement, sans passer par une période de transition ; une option qui a pourtant reçu un appui fort remarqué des oulémas (religieux musulmans) traditionnellement très suiviste à l’égard du pouvoir. Le bras de fer politique à l’œuvre entre le chef de l’armée et les manifestants risque ainsi de perdurer en cas de maintien d’Abdelkader Bensalah et de poursuite de l’idée d’organiser rapidement des élections. Or cette éventualité est déjà dénoncée sur les réseaux sociaux. Le Front des forces socialistes (FFS) a mis en garde le pouvoir contre la « tentation » de prolonger l’intérim à la tête de l’Etat d’un homme « illégitime et impopulaire ». Dans un entretien au Huffpost Algérie, la constitutionnaliste Fatiha Benabou souligne pour sa part qu’Abdelkader Bensalah peut certes convoquer le corps électoral pour une nouvelle élection mais qu’il devra, au regard de la Constitution, quitter ses fonctions le 9 juillet. Elle suggère que M. Bensalah attende le 5 juillet pour le faire afin de « permettre, durant le mois de juin, la tenue d’une conférence nationale où entamer le dialogue entre la société civile et les personnalités politiques, afin de trouver des solutions ». Cette position qui « reste dans la loi », n’est pas forcément partagée au sein de la contestation populaire où l’on estime que la Constitution souvent « bafouée » n’est plus opérante et qu’il faut aller à la « solution politique » et la transition démocratique. Le fossé entre le pouvoir et la contestation n’est donc pas prêt d’être comblé.

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