Soudan : Khartoum livrée aux miliciens du Darfour

  • 2019-06-06 22:06:39
L’extrême violence des bandes paramilitaires qui s’abat sur la capitale a fait au moins 107 morts. De toutes les horreurs commises par les forces lâchées sur Khartoum par le Conseil militaire de transition (TMC) depuis trois jours, nul ne sait plus celle qui provoque le plus d’effroi et de stupeur. Et telle est, de toute évidence, l’intention. Jeudi matin, 6 juin, la capitale soudanaise est une ville morte pour le quatrième jour, sillonnée par des bandes de jeunes hommes en uniformes de la Force de soutien rapide (RSF) du général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », ou, plus discrètement, d’unités des services de renseignement ou de sécurité dont on croyait qu’ils avaient disparu, notamment les hommes du NISS, les services de renseignement. Ces hommes se comportent en miliciens et ont recours aux méthodes utilisées par les forces paramilitaires soudanaises depuis des décennies, dans les différentes guerres menées par le pouvoir central soudanais. L’extrême violence aveugle, les tueries, les pillages, les viols : voilà ce qu’ont fait, depuis les années 1980, les Forces de défense populaire (FDP) ou les miliciens Murahilin dans ce qui était alors le lointain Soudan du Sud ; et aussi ce qu’ont fait, à partir des années 2000, les janjawids au Darfour. Les RSF, qui en sont les descendants directs, l’infligent à la capitale soudanaise depuis lundi. Des bandes paramilitaires, intégrées en théorie dans les forces armées, mais disposant d’une autonomie, de leurs propres armes et de leurs financements, traitent leur capitale comme une zone insurgée à mater. Ils exhibent même des culottes arrachées aux jeunes femmes qu’ils agressent dans les rues. Des corps dans le fleuveMercredi, le Nil, lentement, rejetait les corps des suppliciés de la ville. Des jeunes, pour la plupart, on le comprend sur les vidéos insoutenables filmées sur les berges. Sans doute ont-ils été tués lors de l’assaut contre le sit-in devant le quartier général des forces armées, lundi matin. Le bilan provisoire, mercredi soir, s’établissait à 107 morts, selon l’association des médecins soudanais, une composante de l’Association des professionnels du Soudan (SPA), le cerveau de la contestation depuis le mois de décembre 2018. Parmi cette centaine de morts se trouvent une quarantaine de corps repêchés dans le fleuve. Certains ont eu les bras liés par des cordes. D’autres ont des poids attachés à leurs pieds nus. Ils portent les traces d’horribles blessures. Les responsables de l’opposition, à commencer par ceux de la SPA, et plus largement, de la coalition du mouvement des civils, les Forces pour la liberté et le changement (FFC), sont entrés dans la clandestinité. S’il leur restait un doute sur la détermination du TMC et de ses alliés à éradiquer la contestation, une arrestation est venue confirmer leurs craintes. Yasir Arman, un responsable du SPLM-Nord, l’un des groupes armés actif au Soudan depuis la sécession du Sud, en 2011, s’était rendu à Khartoum il y a deux semaines, malgré la peine de mort prononcée contre lui, afin d’y négocier la fin de la guerre civile qui continue de régner dans différentes régions périphériques. Il a été enlevé, selon sa famille, par des hommes masqués en uniforme, qui ont exhibé des cartes du NISS, avant d’être emmené dans une de leurs « ghost houses » (centres de détention secrets). Il a été battu lors de son interpellation, comme les membres de son entourage.AFP

متعلقات