Nucléaire iranien : l’Iran a dépassé la limite de l’enrichissement d’uranium prévue par l’accord de 2015
2019-07-09 12:31:44
Téhéran avait annoncé dimanche avoir commencé à enrichir ce minerai à un degré supérieur à la limite de 3,67 % imposée par l’accord international.
L’Iran enrichit, depuis lundi 8 juillet au matin, de l’uranium à plus de 4,5 %, a rapporté l’agence semi-officielle iranienne ISNA, en citant le porte-parole de l’organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA). « Ce matin, l’Iran a passé le seuil de 4,5 % pour l’enrichissement de l’uranium », écrit l’ISNA. « Ce degré de pureté est parfaitement suffisant pour les besoins du pays en combustible pour centrale nucléaire », a précisé Behrouz Kamalvandi, le porte-parole de l’OIEA.
Téhéran avait déjà annoncé, dimanche, avoir commencé à enrichir ce minerai à un degré supérieur à la limite de 3,67 % imposée par l’accord international sur le nucléaire iranien de 2015. D’après Ali Akbar Vélayati, conseiller du Guide suprême iranien, les besoins du pays pour ses « activités [nucléaires] pacifiques », à savoir l’alimentation en combustible de sa seule centrale électrique atomique, correspondent à de l’uranium enrichi à 5 %. Ce niveau reste loin des 90 % nécessaires pour envisager la fabrication d’une bombe atomique. Mais il fragilise encore davantage l’accord de Vienne, mis à mal depuis le retrait unilatéral des Etats-Unis en mai 2018 et le rétablissement de sanctions économiques américaines contre Téhéran.
En riposte au retrait américain, Téhéran a annoncé le 8 mai qu’il commençait à s’affranchir de certains engagements pris à Vienne, afin de forcer les parties restantes à l’accord (Allemagne, Chine, France, Grande-Bretagne et Russie) à l’aider à contourner les sanctions américaines. Celles-ci privent l’Iran des bénéfices économiques qu’il attendait de ce pacte, par lequel il a accepté de réduire drastiquement ses activités nucléaires en échange de la levée d’une partie des sanctions internationales qui l’asphyxiaient.
Les Européens mis en gardeLa décision iranienne a suscité des réactions préoccupées à travers le monde. Lundi, l’Union européenne a exhorté l’Iran à cesser ses activités d’enrichissement. Dans des communiqués distincts, Londres et Berlin avaient exhorté dimanche Téhéran à revenir sur sa décision, Paris faisant part de sa « grande inquiétude » et demandant à l’Iran de cesser toute activité « non conforme » à l’accord. Selon le porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères, Abbas Moussavi, le conseiller diplomatique du président français Emmanuel Macron, Emmanuel Bonne, qui s’était rendu en Iran en juin, est de nouveau attendu à Téhéran dans les prochains jours.
Lundi, la Russie a appelé à poursuivre le dialogue et les efforts diplomatiques en direction de la République islamique. « La Russie et le président Vladimir Poutine avaient averti des conséquences qui viendraient inévitablement si l’un des Etats faisant partie de l’accord venait à mettre fin à ses obligations en se retirant. Nous constatons aujourd’hui avec regret ces conséquences », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, accusant les Etats-Unis d’être responsables des tensions actuelles tout en appelant Téhéran à « ne pas céder à l’émotion » et à respecter « les dispositions essentielles » de l’accord sur le nucléaire malgré les pressions de Washington. A Pékin, un porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères cité par l’Agence France-Presse (AFP) a par ailleurs estimé que « la pression maximale des Etats-Unis sur l’Iran [était] la source de la crise nucléaire iranienne ».
Le regard de Téhéran se porte maintenant sur les Européens. Lundi, M. Moussavi a par ailleurs adressé une mise en garde à Paris, Londres et Berlin. Si ces trois capitales « devaient se comporter de manière étrange et inattendue alors nous sauterions toutes les étapes suivantes [du plan de réduction des engagements annoncé en mai] et nous mettrions en oeuvre la dernière », a-t-il dit, sans préciser la nature de cette ultime étape.
Arraisonnement d’un navire iranien par le Royaume-UniUne réaction de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est également attendue. Cité par Isna, M. Kamalvandi a indiqué que ses inspecteurs étaient censés prendre des mesures lundi devant leur permettre de constater que l’Iran enrichit désormais l’uranium à un niveau interdit par l’accord de Vienne. Selon une source diplomatique française citée par l’AFP, « il faut que l’AIEA constate les manquements iraniens et fasse un rapport, que la commission conjointe [de l’accord de Vienne] se réunisse puis décide le cas échéant de réunir la commission de résolution des différends. Ce que nous ferons sur l’Iran ne revient pas vite sur ses violations ».AFP