Écrire le désastre: les récits du séisme haïtien

  • 2020-01-12 21:07:54
Haïti commémore, ce 12 janvier, l'anniversaire du séisme qui dévasta le pays il y a dix ans, touchant sa capitale en plein cœur et emportant des centaines de milliers de vies. Les écrivains furent les premiers à témoigner par leurs écrits de la terreur et de la détresse des survivants de la catastrophe. Depuis, la production littéraire haïtienne a été profondément marquée par cet événement et les drames humains et écologiques qu’il a suscités. Panorama de la littérature haïtienne post-sismique, entre témoignages et reconstitution romanesque. « En Haïti, l’écrivain est considéré comme un démiurge. Il a la magie des mots », aime dire Bonel Auguste, figure montante de la jeune génération d’écrivains haïtiens. Rien n’illustre mieux la place privilégiée réservée à la littérature dans cette moitié d’île que l’ovation aux cris de « Le poète est vivant ! Le poète est vivant » qui retentit lorsque le grand Frankétienne, figure emblématique de la vie culturelle haïtienne, apparut à la fenêtre de sa maison à Port-au-Prince, quelques heures après le tremblement de terre tragique qui dévasta le pays le 12 janvier 2010. La maison de l’écrivain avait été touchée, comme l’avaient été la plupart des habitations dans le quartier populaire de la capitale où elle est située. Les murs furent éventrés, les secousses firent trembler les piliers de soutènement, mais la maison avait tenu bon, au grand soulagement des voisins et des amis de l’écrivain. Poète, peintre, romancier, dramaturge, « Frankétienne est une métaphore du Port-au-Prince », « il fait corps avec la ville », a écrit son compatriote et l’académicien français Dany Laferrière. L’homme entretient un rapport quasi-mystique avec son pays. On raconte qu’une demi-heure avant le début du séisme, Frankétienne était en train de répéter chez lui sa dernière pièce mettant en scène le grand désordre des éléments. Cette pièce, qui n’a jamais pu être jouée depuis, raconte « la planète (qui) vire et chavire en tressaillements de frayeur et déraillements de terreur », convoquant les « Corps meurtris ! Corps défigurés ! Corps broyés ! » Poème prémonitoire, sous la plume d’un écrivain « on ne peut plus en symbiose avec les lieux, sa ville, son pays », selon ses admirateurs.

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