Coronavirus : les Iraniens face au deuil et à l'autoconfinement

  • 2020-04-04 15:03:58
Avec un bilan officiel de 3 294 morts au 3 avril, l'Iran est l'un des pays les plus touchés par le coronavirus. Pourtant, le confinement n'a toujours pas été instauré par les autorités. Autoconfinés, marqués par les deuils ou travaillant d'arrache-pied pour produire du gel hydroalcoolique, des Iraniens livrent à France 24 leur quotidien en temps de Covid-19. En Iran, les quinze jours de congés du Nouvel An, qui touchent à leur fin samedi 4 avril, font émerger les craintes d’un retour en masse des 3 millions d’Iraniens ayant profité de ces vacances pour voyager dans le pays, malgré les avertissements des autorités sur les risques de propagation du Covid-19. Sans être officiellement confinés, les habitants sont appelés depuis plusieurs semaines à rester chez eux "autant que possible". Après avoir tout fait pour éviter d'imposer des mesures de confinement ou de quarantaine, le gouvernement a fini par interdire tout déplacement entre les villes à partir du 27 mars seulement, soit une semaine après les départs en vacances du Nouvel an iranien. Mais les déplacements au sein de chaque région sont en revanche autorisés. Le pays est l’un des plus touchés par la pandémie, avec un bilan officiel de 3 294 morts, 53 183 cas confirmés par les autorités, dont 4 035 dans un état critique, à la date du 3 avril. Des chiffres remis en question par la population dans un climat de défiance envers les autorités iraniennes. Les écoles et les universités iraniennes, elles, sont fermées depuis la fin du mois de février. Le Parlement a été suspendu, puis les prières collectives du vendredi ont été annulées et quatre importants sites de pèlerinage religieux chiite ont fermé, notamment à Qom. C’est dans cette ville, centre du chiisme en Iran, que les premiers cas de contamination au Covid-19 avaient été recensé le 19 février. Mais Qom n’a jamais été mis en quarantaine. Face au bilan croissant des victimes du coronavirus, nombre d’Iraniens ne comprennent pas les réactions tardives des autorités du pays. France 24 a recueilli leurs témoignages. Mahsa*, 40 ans, salariée dans une agence de voyage à Téhéran "Cela fait un mois que je ne suis pas sortie de l’appartement. Pas même pour marcher dans la rue. Ma fille a fait un dessin hier, elle a représenté toute la famille, réunie, pour célébrer l’anniversaire de mon père qui a lieu en juin. Les enfants sont magiques. Moi, je ne tiens plus sans anxiolytiques. Mon père est dans le coma, sous respirateur depuis 3 semaines. Il a 70 ans. Après une semaine d’hospitalisation, ils l’ont renvoyé à la maison, on a cru qu’il était guéri, mais ils l’avaient confondu avec un homonyme. Je ne sais pas quoi faire d’autre que de prier. Alors on prie en famille. Le pire, c’est la solitude. Le savoir seul, lui, à l’hôpital, et savoir ma mère seule avec ses doutes. Ma grand-mère est décédée la semaine dernière. Elle avait 93 ans, elle a été emportée par la vieillesse. Nous n’avons pas pu l’enterrer. Nous devons faire le deuil chacun chez soi. Notre agence de voyage a fermé. De toute façon, il n’y avait plus de vols et tous les voyages de groupe ont été annulés. Mon patron me paie jusqu’à la fin du mois, mais après il ne pourra plus. Certains collègues ont commencé les démarches pour demander une aide au chômage. On y a droit pendant trois semaines, il faut que je le fasse pour moi aussi. Mon mari est ingénieur, il est en télétravail, parce que 50 personnes ont été infectées dans son entreprise. Il nous assurera un salaire pour le foyer. Je ne peux pas m’empêcher de penser que de mauvaises décisions ont été prises. Très longtemps nous avons maintenu les vols avec la Chine et notre aéroport de Téhéran est devenu un "hub" pour les passagers qui voulaient quitter ce pays. Et si l’État nous avait confinés plus sérieusement, on n’en serait pas arrivés là. Tous les jours on apprend la mort d’un proche. J’ai perdu un collègue de mon âge. Il a succombé en trois jours. Dans ma famille éloignée, trois frères âgés sont morts, tous les trois ensemble. Nous nous sommes mis nous-même en quarantaine très stricte : je ne sors pas, mon mari va faire des courses une fois pas semaine et nous désinfectons tous les paquets. Il a trouvé assez facilement du gel hydroalcoolique et des masques, mais leur prix a doublé. La seule chose qui me réjouit, c’est la solidarité. Un collègue a lancé une cagnotte pour aider des personnes qui ne pouvaient plus payer leur loyer. Très souvent ce sont des femmes et des hommes de ménage payés à la journée, par exemple. Il a récolté pas mal d’argent, d’autres amis l’ont aidé et ils ont pu éviter des situations catastrophiques pour plusieurs familles avec enfants."

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