Le Koweït veut réduire sa dépendance aux travailleurs étrangers

  • 2020-06-27 17:48:42
Au Koweït, 70% de la population est étrangère. Depuis plusieurs semaines, les officiels de la monarchie du Golfe ont donc multiplié les annonces appelant à la « Koweitisation » des emplois. Car l'économie du pays, ultra-dépendante des revenus pétroliers, est sévèrement affectée par les conséquences de la pandémie de Covid-19. Cette politique passe toutefois mal auprès des résidents. La crise du Covid-19 pourrait redessiner les caractéristiques démographiques du Koweït. Dans un pays où les étrangers sont 3,4 millions parmi 4,8 millions d‘habitants, les officiels ont en effet appelé ces dernières semaines à réduire la part de la main-d’œuvre étrangère dans l‘emploi public et privé. Réduire la part des travailleurs étrangers dans l‘emploi Le mois dernier, des parlementaires – qui se préparent à une élection législative avant la fin de l‘année - ont par exemple présenté un projet de loi visant à mettre en place des quotas pour le recrutement des étrangers. Plus tard, les parlementaires ont aussi appelé au gel des recrutements de ceux-ci dans le secteur public. Fin mai, la compagnie aérienne Kuwait Airways a, quant à elle, annoncé le licenciement d'environ 1 500 employés expatriés, soit 25% de son personnel étranger. Enfin, le ministre du Pétrole a annoncé au début du mois de juin qu‘aucun expatrié ne serait recruté dans le secteur dont il a la charge pour l‘année 2020-2021. Ces annonces ont ensuite été ponctuées par les propos du Sheikh Sabah al-Khalid al-Sabah. Lors d‘un entretien avec la presse locale, le Premier ministre koweïtien s'est en effet donné comme objectif de réduire de 40% la part des expatriés dans le pays. « Nous sommes confrontés à un défi pour rétablir l‘équilibre [démographique] (…). Nous sommes responsables de tous ceux qui vivent sur cette terre (…), en particulier face à la situation actuelle », avait-il justifié. « À ce stade, il s‘agit d‘une ligne directrice proposée par le Premier ministre koweïtien », considère Geoffrey Martin, un analyste économique de nationalité canadienne basé au Koweït. Au fil du temps, cette stratégie pourrait toutefois être gagnante « même si elle sera très douloureuse, surtout pour les nationaux qui feront face à la hausse des prix des produits de base, à la réduction des subventions et à l'augmentation du coût de la vie », poursuit l‘analyste. Une économie chahutée par les conséquences du Covid-19 Au Koweït, le débat autour de la présence des étrangers dans le pays n‘est pas nouveau. Au gré des crises, il revient sur la table. Mais il a ressurgi de plus belle avec la pandémie de Covid-19 et ses conséquences économiques. Résultat, 92 000 expatriés ont déjà quitté le pays au cours des trois derniers mois selon le directeur des opérations à la Direction générale de l'aviation civile, Mansour Al Hashim. « Aucun gouvernement ne voudrait être dans cette position ou adopter un tel débat politique sans une raison sérieuse », analyse Geoffrey Martin. « La récession mondiale devrait réduire les revenus pétroliers du gouvernement dans un avenir proche », poursuit l‘économiste. Or, le Koweït dépend en très grande partie de ceux-ci. La Banque nationale du Koweït a d‘ailleurs estimé que le déficit budgétaire du pays pourrait atteindre 40% du produit intérieur brut cette année, le pire niveau atteint depuis la guerre du Golfe. « 80% des petites et moyennes entreprises du pays pourraient par ailleurs disparaitre », abonde Geoffrey Martin. C‘est en ce sens que « l‘austérité et la restructuration économique est une nécessité » et « la réduction du nombre d‘expatriés au Koweït est l’une des nombreuses options politiques actuellement examinées pour faire face aux dommages économiques à court et à long terme », conclut l‘analyste. Mais il tempère néanmoins. « Si une telle politique est adoptée, sa mise en œuvre prendra de nombreuses années et sera un processus long et lent ». Les étrangers se sentent stigmatisés Cette tendance, commune à toutes les monarchies arabes du Golfe, a tout de même eu ses effets sur la population. L‘actrice Hayat al-Fahad, l‘une des plus célèbres personnalités dans la région, s‘était prononcée dans une interview téléphonique diffusée sur la chaîne de télévision ATV en avril dernier, en faveur de l'expulsion des expatriés. « Mettez-les dans le désert », avait-elle invectivé, tout en sous-entendant que les travailleurs immigrés étaient à l’origine de la propagation du Covid-19 dans le pays. Par ailleurs, une vidéo diffusée par un quotidien anglophone du Koweït a aussi suscité l‘indignation des résidents du pays. Celle-ci parlait du « chaos créé par les expatriés lors de la distribution d‘une aide alimentaire ».

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