Vingt ans après l’adhésion de la Chine à l’OMC, le multilatéralisme autrefois célébré est en souffrance.
Il est désormais urgent de réformer et renforcer cette organisation pour répondre aux défis de la numérisation et de la transition écologique.
Il est des anniversaires que personne n’a envie de fêter. L’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) le 11 décembre 2001 a constitué un événement majeur, qui a profondément bouleversé les équilibres de l’économie mondiale. Pourtant, vingt ans après, ni Pékin ni les pays occidentaux ne se précipitent pour célébrer un multilatéralisme qui souffre de nombreux dysfonctionnements. Après l’euphorie des débuts, qui ont dopé de façon spectaculaire les échanges internationaux, l’heure est à la défiance, au repli sur soi, aux accusations réciproques de déloyauté et à l’instrumentalisation du commerce à des fins géopolitiques.
L’état des lieux est alarmant. Tandis que les contentieux se multiplient, les barrières douanières et normatives se dressent un peu partout. Le dernier accord signé dans le cadre de l’OMC remonte désormais à plus de huit ans. Le travail de sape entrepris par l’ancien président des Etats-Unis Donald Trump a produit ses effets. L’organe de règlements des différends est toujours paralysé du fait de la mauvaise volonté américaine d’assurer la continuité de son fonctionnement.
L’espoir de voir son successeur, Joe Biden, remettre le multilatéralisme au centre des préoccupations a été vite déçu. Dans un contexte de lutte exacerbée pour le leadership technologique entre les Etats-Unis et la Chine, la négociation de règles communes pour mieux commercer est devenue secondaire. De son côté, Pékin s’accroche de façon indue à son statut de pays en voie de développement pour préserver ses avantages, alors que le pays est désormais la deuxième économie du monde.
La douzième Conférence ministérielle de l’organisation, initialement prévue du 30 novembre au 3 décembre, devait constituer un nouveau départ. Las, la nouvelle vague de Covid-19 a repoussé sine die les débats.
Une nouvelle gouvernance
Une remise à plat de l’OMC est pourtant indispensable. Obtenir un consensus entre les 164 Etats membres est devenu quasi impossible. Face à ce constat, les pays sont tentés de signer des accords bilatéraux à la portée forcément limitée. Il est urgent de réfléchir à une nouvelle gouvernance et à une réforme du mode de fonctionnement de l’organisation.
Le premier point concerne le pouvoir réel d’une direction générale qui n’en a que le nom. Les vrais patrons de l’OMC sont les Etats membres. Sans un renforcement de l’autorité des instances dirigeantes pour obtenir des compromis et définir les priorités, l’organisation est condamnée à rester une tour de Babel ingérable.
Sur le plan du fonctionnement, il faut revenir à plus de modestie, en passant du multilatéralisme au plurilatéralisme. Parvenir à des accords à quelques dizaines de pays est plus facile qu’à 164. Même moins ambitieuse, la méthode aurait le mérite de déclencher un élan. Mieux vaut que quelques-uns progressent, plutôt que de condamner tout le monde à la paralysie.
L’OMC doit également évoluer sur les sujets dont elle s’empare. Les barrières douanières sont longtemps restées le principal obstacle aux échanges internationaux. Mais, aujourd’hui, les enjeux se portent de plus en plus sur la numérisation de l’économie et la transition écologique. Se fixer des règles communes dans ces domaines devient impératif. Malgré ses imperfections, l’OMC a le mérite d’exister. Son obsolescence programmée se traduirait inévitablement par le retour de la loi du plus fort au moment où les inégalités entre le Sud et le Nord recommencent à se creuser. La réparer est une urgence.