Violences sexuelles : la justice et la police « sont structurellement défaillantes »

  • 2022-02-08 05:40:10
L’écrasante majorité des plaintes pour harcèlement sexuel, pour agression sexuelle ou pour viol sont classées sans suite, rappelle, dans une tribune au « Monde », la militante féministe Caroline De Haas, affirmant que « nos institutions sont antifemmes ». Tribune. Pendant longtemps, j’ai dit que les institutions françaises connaissaient des « dysfonctionnements » en matière d’accueil et de prise en charge des victimes de violences sexuelles. Parler de « dysfonctionnements », c’est reconnaître qu’il y a des problèmes certes, mais c’est aussi dire qu’ils sont identifiés, limités à quelques personnes ou services. En réalité, nous ne faisons pas face à quelques « dysfonctionnements », mais à une défaillance structurelle et massive de nos institutions. Les refus – pourtant illégaux – de prendre les plaintes par les forces de l’ordre ne sont pas des exceptions. En 2018, dans une enquête intitulée « payetaplainte », 60 % des personnes ayant témoigné disaient avoir fait face à un refus de prendre leur plainte. Dans les témoignages qui se multiplient sur les réseaux sociaux, notamment avec le hashtag #doublepeine, reviennent de manière systémique la banalisation des violences, l’humiliation et la culpabilisation des victimes. « Vous allez briser sa vie » Une femme victime de viol m’a rapporté le propos d’une policière, à Paris, en décembre 2021, lors d’un dépôt de plainte : « Vous savez que vous allez briser sa vie ? » Des témoignages comme celui-ci, nous en recevons tout le temps. Le flot est ininterrompu. Lorsque la plainte est prise, les statistiques du ministère de la justice montrent qu’elle a très peu de chances d’aboutir. Un rapport du ministère de la justice a montré, en 2019, que dans 80 % des cas de féminicides, lorsque les femmes avaient porté plainte, leurs plaintes avaient été classées sans suite. Les forces de l’ordre et la justice n’avaient pas pris leurs plaintes au sérieux. Elles ont été assassinées. Lorsque la plainte est traitée, la justice va avoir tendance à déqualifier les faits. Un crime va être jugé en délit, au tribunal correctionnel et non en cour d’assises. Un oncle a été condamné, début 2022, pour avoir violé sa nièce, devant la sœur de celle-ci. Les faits sont matérialisés, prouvés. La justice a pourtant décidé de déqualifier les faits, jugeant l’acte pédocriminel, comme une agression sexuelle. Ce n’est pas nouveau. A Bobigny (Seine-Saint-Denis), près de la moitié des agressions sexuelles jugées en 2013 et 2014 étaient, en réalité, des viols. Nos institutions déqualifient à tour de bras les violences, envoyant le message qu’au fond ce n’est pas si grave.

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