« Les droits des justiciables » méritent un Conseil constitutionnel « à l’abri de toutes sortes d’influences »
2022-04-11 02:19:09
Dans une tribune au « Monde », un collectif de professeurs de droit public pose deux principes pour garantir une parfaite indépendance de cette juridiction qui, actuellement, donne un total pouvoir discrétionnaire aux autorités de nomination : établir les critères de compétence des candidats à la fonction de juge ; vérifier lors d’une audition ces critères par un organe indépendant des pouvoirs législatif et exécutif.
Tribune. La politisation exacerbée des nominations des membres du Conseil constitutionnel éloigne progressivement la France des dispositions de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a pas de constitution. »
Elle va à rebours de l’évolution des fonctions du Conseil constitutionnel : hormis son rôle de juge électoral (élections législatives et présidentielle), le Conseil constitutionnel, initialement destiné principalement à dompter le parlement face à l’exécutif, est devenu, avec la création de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en 2008, le gardien des droits et des libertés que la Constitution garantit (article 61-1).
A titre d’exemple, selon les statistiques sur le site Internet du Conseil constitutionnel, entre le 1er janvier 2010 et le 30 juin 2021, sur 1 034 décisions de contrôle de constitutionnalité de la loi, 817 sont des décisions QPC ; pour le premier semestre 2021, sur 49 décisions de contrôle de constitutionnalité de la loi, 41 sont des décisions QPC.
Confiance du public
L’adoption par le Conseil constitutionnel, le 11 mars, d’un règlement intérieur sur la procédure suivie pour les déclarations de conformité à la Constitution ne change pas grand-chose à la pratique qui demeure au-dessous du niveau de juridictionnalisation en droit comparé. Le nouveau règlement intérieur renforce même la part de pouvoir discrétionnaire du Conseil constitutionnel dans le fonctionnement de la procédure.
Perçu par la classe politique depuis son origine et jusqu’à aujourd’hui comme un organe politique, le Conseil constitutionnel « s’est installé dans le paysage juridictionnel et dans l’esprit de nos concitoyens comme une véritable juridiction », selon les mots mêmes du président de la République, Emmanuel Macron.
Sur le papier, un tel basculement honore le système constitutionnel français en donnant toute sa mesure au constitutionnalisme, à savoir la limitation du pouvoir par les droits et libertés des individus. En pratique, cet honneur implique un Conseil constitutionnel dont la composition et le fonctionnement garantissent la confiance du public dans cette juridiction.
La confiance du public, principe qui découle de ceux de prééminence du droit et d’Etat de droit, veut que le gardien de la Constitution soit, selon le grand comparatiste Mauro Cappelletti (1927-2004), « un organe ou (…) un groupe d’organes, suffisamment indépendants des pouvoirs “politiques” – législatif et exécutif – pour protéger une règle de droit supérieure et relativement permanente contre les tentations qui sont inhérentes au pouvoir ».