Cameroun : « Droit, justice et dignité pour Maurice Kamto »

  • 2019-03-02 01:15:07
Une trentaine de juristes soutiennent l’opposant incarcéré depuis le 28 janvier et placé en détention provisoire « pour une durée initiale de six mois ». Tribune. Le 28 janvier, deux jours après la « marche blanche » organisée pour contester pacifiquement le résultat officiel de l’élection présidentielle au Cameroun, le professeur Maurice Kamto est interpellé à Douala avec plusieurs dizaines de personnes. Il est par la suite transféré à Yaoundé et placé par un préfet en « garde à vue administrative », au sein du Groupement spécial d’opérations (GSO), un service dépendant de la délégation générale à la sûreté nationale spécifiquement chargé des opérations contre les commandos, groupes terroristes ou autres bandes organisées de malfaiteurs. Détenu pendant quinze jours au secret, dans des conditions humanitaires exécrables et dégradantes, Maurice Kamto est finalement présenté le 12 février, avec 160 autres personnes, au tribunal militaire de Yaoundé. Le colonel magistrat de cette juridiction d’exception rend de multiples ordonnances d’emprisonnement, sous des chefs d’inculpation tels que ceux d’« insurrection, hostilités contre la patrie, rébellion, dégradation de biens publics ou classés, outrage au président de la République, réunion et manifestation, attroupement, caractère politique, destruction et complicité des mêmes faits ». Dans les localités où des marches ont pu se déployer, des vidéos témoignent des brutalités auxquelles les forces de l’ordre se sont livrées pour les empêcher, alors même qu’elles se sont déroulées de manière strictement pacifique. Un juriste de droit international reconnu De même, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), le parti politique dont Maurice Kamto a été le fondateur et candidat à l’élection présidentielle, a nié toute responsabilité dans le saccage de certains services diplomatiques du Cameroun à l’étranger, qu’il a condamné sans ambiguïté. Comme nombre de ses partisans, Maurice Kamto n’est pourtant pas épargné par le juge militaire qui l’a placé en détention provisoire « pour une durée initiale de six mois », soit jusqu’au 11 août. Maurice Kamto est actuellement incarcéré à la prison centrale de Kondengui, connue pour les conditions de détention effroyables qui y règnent. Comment a-t-on pu en arriver là ? Nous reviennent en mémoire des images précises, fortes, celles de moments où le Cameroun manifestait, devant la communauté internationale tout entière, son estime envers l’homme que le pouvoir retient aujourd’hui dans ses geôles. Le 10 octobre 2002, devant la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye par exemple, lorsque Maurice Kamto assista à la lecture de l’arrêt favorable au Cameroun, qu’il avait brillamment représenté dans le litige frontalier l’opposant au Nigeria. Agrégé des facultés de droit, doyen de la faculté de droit de Yaoundé, ancien membre et président de la commission du droit international des Nations unies, Maurice Kamto était l’avocat naturel de son pays. Membre de l’Institut de droit international et du curatorium de l’Académie de droit international, il était déjà – et demeure – un juriste de droit international reconnu et particulièrement estimé par ses pairs. C’est sans doute la raison pour laquelle le Cameroun avait décidé, en 2001, de présenter sa candidature à la commission du droit international des Nations Unies, où il fut élu par l’Assemblée générale à trois reprises et, quelques années plus tard, de défendre officiellement sa candidature à l’élection comme juge à la CIJ. Respecté à l’étranger Ces soutiens mérités témoignaient de l’estime des autorités camerounaises pour l’un des ressortissants les plus éminents de leur pays et les plus respectés à l’étranger. Pendant sept années, Maurice Kamto aura d’ailleurs assuré les fonctions de ministre délégué à la justice au sein même du gouvernement nommé par Paul Biya. La démission de Maurice Kamto de ses fonctions gouvernementales en 2011, suivie de la création du MRC en 2012, offre peut-être un début d’explication au traitement dont il est aujourd’hui victime. Plus sûrement encore le fait que Maurice Kamto ait revendiqué la victoire au lendemain de l’élection présidentielle d’octobre 2018, avant d’être brièvement assigné à résidence le jour de l’investiture de Paul Biya pour un septième mandat, ont certainement contribué à sceller le destin qui est actuellement le sien et, avec lui, celui de ses soutiens. Nous n’avons pas de prise sur ces événements et n’entendons aucunement nous ingérer dans la vie politique camerounaise. C’est au peuple camerounais, et à lui seul, qu’il appartient, conformément aux valeurs universelles de la démocratie et de l’Etat de droit, de décider librement de ses institutions politiques. Le 27 septembre 2018, le ministre des affaires étrangères du Cameroun affirmait, à la tribune de l’ONU, que « la consolidation de la culture démocratique au Cameroun est un processus inéluctable ». Aucun effet tangible Nous voulons le croire. Mais ce processus ne saurait aboutir sans le respect des principes fondamentaux par lesquels le Cameroun est lié. Il s’est souverainement engagé à respecter des instruments internationaux aussi emblématiques que le pacte des Nations unies pour les droits civils et politiques, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples ou encore la convention de New York contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. AFP.

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