Egalité femmes-hommes : « La parité comble des lacunes en termes de politiques publiques »
2019-03-09 02:17:56
Doctorant à l’Ecole d’économie de Paris, Quentin Lippmann décrypte, dans un entretien au « Monde », son analyse de la « division sexuée du travail » au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui doit être publiée, vendredi 8 mars, par l’Institut des politiques publiques.
Quentin Lippmann est doctorant à l’Ecole d’économie de Paris et à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Il est l’auteur de la note intitulée « La division sexuée du travail parlementaire », qui doit être publiée, vendredi 8 mars, par l’Institut des politiques publiques.
Le nombre de femmes députées ou sénatrices représente aujourd’hui un tiers des effectifs des Assemblées parlementaires. Quels changements observez-vous ?
En quinze ans, nous sommes passés de 10 % de femmes députées à 39 % en 2017 : la part des amendements sur l’égalité femmes-hommes a augmenté de près de 70 %. Au Sénat, la parité a été introduite en 2001 dans les circonscriptions comprenant plus de 4 élus : le nombre d’amendements sur l’égalité femmes-hommes a quadruplé sur la même période. De manière générale, on remarque que les femmes élues ont plus tendance à se spécialiser dans les amendements sur l’enfance, l’immigration et la santé, tandis que les hommes sont présents dans les thématiques liés à la défense, à l’outre-mer et aux élections.
La question du sexe ne devrait pas, a priori, avoir d’influence sur le travail législatif. Comment expliquez-vous ces différences ?
C’est la motivation principale de cette étude : voir si la sous-représentation des femmes en politique a des conséquences sur la mise en œuvre des politiques publiques. J’ai pu vérifier que la thématique de l’égalité femmes-hommes est moins portée dans une Assemblée où il y a 10 % de femmes que dans une Assemblée où il y en aurait 50 %.
Restent deux bémols : l’égalité femme-hommes est un sujet porté par les femmes, mais pas par toutes les femmes. Près de la moitié des femmes élues travaillent sur ce thème, contre un quart des hommes. Il existe aussi des différences politiques : si les femmes, qu’elles soient de gauche ou de droite, ont la même probabilité de travailler sur le thème de l’égalité femmes-hommes, les élus hommes de gauche travaillent beaucoup plus sur ces problématiques que ceux de droite. Le genre transcende les partis.
Comment expliquez-vous cette division sexuée du travail parlementaire ?
Cette division pourrait s’expliquer de trois manières : d’abord, les femmes ne sont pas élues dans les mêmes circonscriptions que les hommes ; ensuite, les partis politiques placeraient stratégiquement des femmes sur certains sujets ; enfin, il existe des différences d’intérêts individuels et politiques, selon les sexes. Dans l’étude, je constate que l’effet « circonscription« est extrêmement faible. L’effet « parti politique » est plus difficile à éliminer, surtout qu’il coexiste avec l’intérêt individuel, qui est de loin le plus important.
AFP.