Les conclusions du rapport de la commission sur le Rwanda : « Un ensemble de responsabilités, lourdes et accablantes pour la France »
2021-03-28 17:46:48
DOCUMENT. La commission d’historiens présidée par Vincent Duclert sur le Rwanda, mise en place en 2019 par l’Elysée afin de faire la lumière sur l’attitude de la France lors du génocide des Tutsi en 1994, a remis son rapport à Emmanuel Macron, vendredi 26 mars 2021. « Le Monde », qui a eu accès à l’intégralité du document, en dévoile de larges extraits.
Une interrogation, qui justifie l’entreprise scientifique collective de la commission de recherche et qu’il est nécessaire de rappeler, a ouvert ce rapport. Comment expliquer la contradiction entre les espoirs de démocratisation et de règlement négocié du conflit qui marquent les années 1990-1993 au Rwanda et la catastrophe absolue que représente le génocide perpétré contre les Tutsi en 1994 ? Lorsqu’en octobre 1990, la France s’engage au Rwanda, elle affiche l’ambition d’œuvrer à la démocratisation du pays, conformément aux orientations dessinées par le président François Mitterrand au sommet franco-africain de La Baule (juin 1990). Elle favorise ensuite la conclusion d’accords de paix entre le gouvernement rwandais et le Front patriotique rwandais (FPR). Le 4 août 1993, sont signés les accords d’Arusha en vertu desquels les casques bleus de l’ONU prennent le relais de la présence militaire française. Quelques mois plus tard, le 7 avril 1994, le Rwanda bascule dans un génocide.
Les Tutsi de ce pays sont exterminés, ainsi que les Hutu modérés, ce qui conduit à la disparition de près d’un million de personnes. Cette catastrophe projette sur le continent africain le fait génocidaire. (…)
La crise rwandaise s’achève en désastre pour le Rwanda, en défaite pour la France. La France est-elle pour autant complice du génocide des Tutsi ? Si l’on entend par là une volonté de s’associer à l’entreprise génocidaire, rien dans les archives consultées ne vient le démontrer. La France s’est néanmoins longuement investie au côté d’un régime qui encourageait des massacres racistes. Elle est demeurée aveugle face à la préparation d’un génocide par les éléments les plus radicaux de ce régime.
Elle a adopté un schéma binaire opposant d’une part l’ami hutu incarné par le président Habyarimana, et de l’autre l’ennemi qualifié d’« ougando-tutsi » pour désigner le Front patriotique rwandais (FPR). Au moment du génocide, elle a tardé à rompre avec le gouvernement intérimaire qui le réalisait et a continué à placer la menace du FPR au sommet de ses préoccupations.
Elle a réagi tardivement avec l’opération « Turquoise », qui a permis de sauver de nombreuses vies mais non celles de la très grande majorité des Tutsi du Rwanda, exterminés dès les premières semaines du génocide. La recherche établit donc un ensemble de responsabilités, lourdes et accablantes.