« Ils nous ont dit que si on rejoignait la contestation, on en paierait le prix » : des salariés de Total en Birmanie témoignent

  • 2021-05-04 22:33:13
Des salariés s’expriment, de manière anonyme, sur l’attitude de leur entreprise vis-à-vis du mouvement de désobéissance civile en cours dans le pays. Ils travaillent pour Total en Birmanie et appellent leur entreprise à cesser toute collaboration avec la junte militaire qui a pris le pouvoir, le 1er février, par un coup d’Etat. Cinq employés birmans, dont les identités ont pu être vérifiées, ont répondu aux questions du Monde sous des noms d’emprunt sur une messagerie sécurisée, pour évoquer leur situation si particulière. Celle de travailler pour une entreprise qui finance, grâce au champ gazier de Yadana qu’elle exploite au large des côtes birmanes, le régime qui a supprimé leurs libertés. « Nous souhaitons que Total cesse de financer la junte militaire, appelle d’emblée Allen, mais il n’y a pas de solution simple. » Comme des milliers d’autres Birmans, certains employés de l’entreprise française ont voulu rejoindre le mouvement de désobéissance civile et cesser le travail pour bloquer la production de gaz. Cette vaste campagne, qui mobilise des milliers de travailleurs dans l’administration publique ou dans des entreprises privées, bloque les ports, les banques, les hôpitaux ou encore les chemins de fer. Les employés de Total ont vite été rappelés à l’ordre par leurs supérieurs. « Ils nous ont dit que si on rejoignait la contestation, on en paierait le prix, sans donner plus de détails, témoigne Min Thu. On a vite compris qu’un congé sans solde nous serait refusé et qu’on devrait démissionner. » Min Kha, qui travaille sur la plate-forme offshore de Yadana, va même jusqu’à accuser un supérieur de l’avoir « menacé » : « Il nous a dit que si on rejoignait le mouvement de désobéissance civile, on serait arrêtés à l’aéroport par les militaires, à notre retour par hélicoptère. » Le combat se paierait trop cher Seule une poignée d’employés, parmi les 300 que compte l’entreprise sur place, a démissionné au cours des dernières semaines, signe qu’une grande majorité d’entre eux a considéré que le combat pour la liberté se paierait trop cher, surtout dans un pays qui s’enfonce dans la crise économique et sociale. L’Organisation des Nations unies (ONU) craint une explosion de la pauvreté en raison de la situation politique et sanitaire, qui risque d’effacer des années de développement. Dans un rapport publié vendredi 30 avril, elle prévient que la moitié de la population pourrait bientôt vivre avec moins de 1,5 dollar (1,2 euro) par jour d’ici 2022. Min Thu explique qu’avec son salaire de Total, il peut, au moins, soutenir financièrement deux amis fonctionnaires qui se sont mis en grève.

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