Le groupe technologique chinois, installé sur le Vieux Continent depuis près de vingt ans, y tisse habilement sa toile, en cultivant ses réseaux et en jouant les mécènes.
Le déploiement de la 5G se fera-t-il avec ou sans Huawei ? Plus d’un an après qu’a éclaté la polémique autour de la sécurité des matériels de l’équipementier chinois, son sort demeure très incertain en Europe. Tiraillé entre les injonctions de l’allié américain, qui appelle avec insistance le Vieux Continent à bannir le groupe de Shenzhen de ses réseaux de télécommunications, et le partenaire économique chinois, l’Europe avance en ordre dispersé, laissant à l’appréciation de chaque Etat la décision de l’exclure ou non. Face à ces atermoiements, Huawei redouble ses efforts de lobbying auprès des gouvernements, bien décidé à garder la main sur ce marché hautement stratégique.
A Bruxelles, siège du Parlement européen, des équipes internes du groupe, sous la houlette d’Abraham Liu, représentant de la firme auprès de l’Union européenne (UE), s’activent en coulisse depuis des mois auprès des parlementaires, afin de défendre les vertus technologiques de la 5G, la nouvelle génération de téléphonie mobile, et convaincre les élus européens de la bonne foi de l’équipementier chinois. Publications de rapports ou d’études, tables rondes, conférences, et même un bus équipé de la 5G… L’entreprise ne ménage pas sa peine pour occuper la scène dans la capitale européenne, et élargir sa sphère d’influence.
Entre 2017 et 2018, ses dépenses de lobbying auprès de l’UE ont crû de près de 30 %, atteignant 2,8 millions d’euros. Un budget certes modeste comparé à ceux des ténors américains du numérique, Google ou Microsoft (plus de 5 millions d’euros chacun), mais qui place néanmoins Huawei parmi les sociétés qui déboursent le plus pour la défense de ses intérêts à Bruxelles.
Il n’y a pas qu’au cœur du pouvoir européen que l’entreprise chinoise muscle son jeu face à la campagne anti-Huawei des Américains, qui l’accusent d’espionnage au profit de Pékin. En France aussi, elle a mobilisé ses troupes pour redorer son image. Elle s’appuie, entre autres, sur l’agence Boury, Tallon & Associés, l’un des plus importants cabinets de conseil en affaires publiques, et sa filiale M&M Conseil, ainsi que sur le cabinet d’intelligence économique ESL & Network, pour lui ouvrir les portes des cabinets ministériels dans l’Hexagone et se faire entendre par le gouvernement.
L’entité française du groupe technologique profite également des réseaux politiques et des précieux carnets d’adresses de deux alliés de poids : l’ancien ministre Jean-Louis Borloo et l’ex-président de l’Ecole polytechnique, Jacques Biot, qui ont tous deux rejoint le conseil d’administration de Huawei France.