Coronavirus : l’UE fait une entorse inédite à ses règles budgétaires pour sauver les économies européennes

  • 2020-03-22 07:45:48
Ursula von der Leyen et les ministres des finances des Etats membres de l’UE doivent se réunir par vidéoconférence, lundi, et jeudi ce sera le tour les chefs d’Etat et de gouvernement. C’est devenu la formule magique, celle qui doit permettre de rassurer les marchés et de sauver les économies européennes. Ces trois mots − « whatever it takes » (« quoi qu’il en coûte ») − que Mario Draghi, alors président de la Banque centrale européenne (BCE), avait prononcés le 26 juillet 2012, en pleine crise de la zone euro, avaient permis de ramener le calme sur les places financières. On ne pourra pas reprocher à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, ou à Christine Lagarde, qui a succédé à l’argentier italien, de ne pas connaître leurs classiques. Cela fait des jours que les deux femmes martèlent qu’elles sont disposées à tout pour aider l’Europe à faire face aux ravages économiques du Covid-19 et l’empêcher de sombrer dans une crise dont elle pourrait ne pas se relever. Il y a huit ans, M. Draghi n’avait pas eu besoin de déployer ses armes contre le pilonnage de la monnaie unique ; sa parole avait suffi. Aujourd’hui, les marchés veulent des preuves, en plus des promesses. Mme Lagarde en a fait l’amère expérience, n’ayant su trouver, dans un premier temps, ni les mots ni les actes qui réconfortent : ses annonces, le 12 mars, ont été lourdement sanctionnées par les marchés. Mais la décision de la BCE, dans la nuit du mercredi 18 au jeudi 19 mars, d’injecter 750 milliards d’euros dans le système, portant à 1 050 milliards sa force de frappe, a redonné du crédit à son action. La balle est désormais dans le camp de Mme von der Leyen et des vingt-sept Etats membres de l’Union européenne (UE), dont les ministres des finances doivent se réunir lundi 23 mars et les chefs d’Etat et de gouvernement jeudi 26 mars, eux aussi par vidéoconférence. « Clause de circonstance exceptionnelle » Après « un léger retard à l’allumage », pour reprendre l’expression d’un diplomate, la Commission a lancé l’offensive, se disant prête à déployer tous les outils à sa disposition pour soutenir les Etats membres face à la pandémie : « flexibilité maximale » du pacte de stabilité et de croissance, afin d’alléger les contraintes budgétaires auxquelles ils sont soumis ; mise en place d’un régime des aides d’Etat d’exception qui leur permet d’injecter de l’argent dans les entreprises sans contrevenir aux règles du marché intérieur ; et déblocage de fonds structurels pour les aider à financer leur système de santé ou de chômage. Mais, au fur et à mesure de la propagation du virus, cet éventail de décisions est vite apparu sous-dimensionné. Les insuffisances de Mme Lagarde, le 12 mars, ont semé la panique, forçant Mme von der Leyen, dès le lendemain, à aller au-delà de ses annonces initiales. Et à évoquer la possibilité de suspendre le pacte de stabilité et de croissance. Pour l’heure, les Vingt-Sept se sont mis d’accord pour activer la « clause de circonstance exceptionnelle », qui leur permet de dépenser ce qu’ils veulent pour lutter contre la pandémie, sans que Bruxelles les rappelle à l’ordre sur la maîtrise de leurs finances publiques. Vendredi 20 mars, Ursula von der Leyen est allée un cran plus loin, leur proposant formellement de recourir à la « clause de suspension générale ». Celle-ci, imaginée en 2011, et qui n’a jamais été utilisée, permet de dégager les Etats de toute contrainte budgétaire si la récession est profonde et concerne tout le continent. « Avec la clause de circonstance exceptionnelle, les Etats doivent justifier pourquoi telle dépense est liée à la crise du coronavirus et pourquoi ils ne l’intègrent pas dans le calcul de leur déficit. Avec la clause de suspension générale, ils font ce qu’ils veulent », explique un spécialiste. « Dans cette crise, il n’y a pas d’aléa moral » A ce stade, les Vingt-Sept y sont plutôt favorables, mais il reste certains paramètres − par exemple la durée de la suspension du pacte, qui ne devrait a priori pas aller au-delà de 2020 − que l’Ecofin du 23 mars devrait arrêter, en sachant que certains Etats − les pays nordiques ou les Pays-Bas − font preuve de moins d’allant que d’autres. « On devrait y arriver. Mais, en annonçant le recours à cette clause le 13 mars, von der Leyen a pris le risque de décevoir si les Etats membres ne se mettaient pas d’accord », prévient un diplomate. Le 23 mars, les ministres des finances de l’UE vont également discuter de la possibilité d’utiliser le Mécanisme européen de stabilité (MES). Dotée de 410 milliards d’euros, cette institution financière a été lancée en 2012 par les pays de la zone euro, au moment de la crise de la dette, pour venir en aide aux Etats rencontrant des problèmes de financement. Ce qui, dans les prochaines semaines, pourrait être le cas, par exemple, de l’Italie, qui, en plus d’être surendettée, est le pays européen le plus touché par le virus.

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