Coronavirus: les renforts saisonniers se mettent en place dans les champs de France

  • 2020-03-31 09:23:20
C’est le printemps et, pour la plupart des agriculteurs français, cela veut dire que c’est le moment de la récolte. Une période durant laquelle ils embauchent des travailleurs saisonniers supplémentaires. Mais cette année, en raison de la crise sanitaire, ils ne sont pas assez nombreux. Il cultive une quarantaine de variétés de fruits et légumes à Hodenc-en-Bray, dans l’Oise, un département du nord de la France parmi les plus touchés par le coronavirus. Depuis une dizaine de jours, Ludovic Sanglier est dans la période de pic de son activité, avec 90% de ses récoltes annuelles à assurer. Habituellement, il double son équipe en recrutant trois travailleurs saisonniers. « Je fais appel à des travailleurs polonais, explique l’agriculteur, qui précise immédiatement : sous contrat français ! Mais là ils sont cloisonnés, la France est cloisonnée, la Pologne est cloisonnée… Je travaille avec une femme polonaise depuis plus de trois ans, je sais qu’elle viendra dès qu’elle le pourra, mais pour l’instant… » Pour l’instant, il faut faire sans. Camion, tracteur et petits pois Polonais, Roumains, Marocains ou Tunisiens, les travailleurs saisonniers viennent pour la plupart de l’étranger. Mais parce qu’ils craignent d’être contaminés par le coronavirus, ou parce qu’ils sont limités par les restrictions de circulation, cette année, la moitié des 200 000 travailleurs saisonniers nécessaires manquent à l’appel, selon les chiffres de la FNSEA, premier syndicat agricole français. Du coup, avec ses seize hectares de cultures, Ludovic Sanglier est surchargé. « Je suis sur mon camion en train de livrer en Île-de-France, explique-t-il au moment où il décroche son téléphone. Et demain je serai sur mon tracteur pour préparer mes terres. Il faut repiquer de la salade, du chou-rave, du chou-fleur… Je dois aussi préparer mes serres pour les premières tomates et les premières courgettes, ressemer du radis… Voilà tout ce qu’il y a à faire avant la fin de la semaine ». Ludovic Sanglier arrête ici son énumération, précisant quand même avoir « passé [son] dimanche à semer des petits pois… » Des champs de melon aux vignes Des journées de « quatorze voire dix-sept heures »,intenables sur le long terme. En l’absence de renfort immédiat, le paysan sera confronté à une situation douloureuse : « il faudra faire des choix, anticipe-t-il, ça veut dire arrêter les livraisons à Paris et rester sur mes champs à faire mon boulot de producteur ». Ce qui se traduira inévitablement par une importante baisse de ses revenus, déjà largement mis à mal par la fermeture des marchés, décidée la semaine dernière. La FNSEA lance donc un appel à toutes les personnes disponibles pour venir épauler les agriculteurs. Dans le respect des gestes barrière et des règles de distanciation. Joël Limouzin est le vice-président de la FNSEA, en charge de la gestion des risques. « L’urgence aujourd’hui, estime-t-il, c’est de permettre la mise en plantation d’un certain nombre de plantations, comme les melons, mais surtout les récoltes, de tomates ou de concombre par exemple. Sans parler des difficultés de certaines exploitations, qui manquent de main d’œuvre parce qu’elles connaissent des problèmes de garde d’enfants. Il y a aussi la viticulture, avec des travaux à faire dans les vignes, avant les récoltes. » Une population à nourrir L’appel de la FNSEA a été relayé par le gouvernement français, qui a même facilité les conditions d’embauche pour ces renforts exceptionnels. La cible, ce sont les chômeurs, les étudiants et tous les salariés qui se retrouvent sans activité en raison de la crise sanitaire. Par exemple les serveurs des bars et restaurants temporairement fermés. Ludovic Hérisson, lui, travaille dans l’évènementiel, près de Beauvais. Son activité est à l’arrêt depuis un mois. « Tout le monde est à l’arrêt mais il y a quand même une population à nourrir, constate le jeune homme, alors je me suis dit que c’était le moment de lier l’utile à l’agréable sur le terrain. Et puis il y a aussi une question de conscience : j’ai 31 ans, je suis assez jeune et j’ai plus de chances de m’en sortir face à un virus comme celui-là que mes aînés. Alors je préfère aller moi-même travailler et leur assurer des produits de qualité ». « Aider les producteurs du coin » Fort de sa bonne volonté et de son goût pour la terre, Ludovic Hérisson s’est donc porté candidat. Il n’attend plus que le coup de fil d’un paysan voisin. Car l’idée, c’est de privilégier le local. Une mesure de précaution évidente, en cette période de confinement, qui correspond aussi à une certaine vision de l’agriculture. « Si on peut nourrir la population en région, poursuit Ludovic Hérisson, autant en profiter puisque de toutes façons on n’aura pas assez d’importations. Il est important d’aider les producteurs du coin, et c’est aussi ce que recherchent aujourd’hui les gens : consommer local ».

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