Le coronavirus fragilise le Liban, déjà en faillite

  • 2020-04-13 15:50:00
Le ralentissement de l’activité et le confinement vont aggraver la crise économique que traverse le pays depuis plusieurs mois. Volontaire de longue date, Ramy Finge connaît bien les faubourgs miséreux aux marges de Tripoli, la ville la plus pauvre du Liban, lui qui fut l’un des coordinateurs locaux du soulèvement populaire contre la classe politique qui a éclaté en octobre 2019 au pays du Cèdre. « Je vois ces jours-ci une détresse inouïe, lors des distributions de nourriture : des septuagénaires en pleurs, des gens munis de sacs en plastique en guise de récipients… Ils me demandent : “Allez-vous revenir demain ?” », décrit avec émotion ce dentiste de 54 ans, mobilisé pour servir des repas aux habitants des banlieues tripolitaines, en ces temps de confinement lié au coronavirus. « Comme tout le monde, les plus démunis doivent rester chez eux. Mais ils n’ont aucune ressource », s’alarme le soignant, joint par téléphone. Au Liban, le premier cas de Covid-19 a été diagnostiqué en février. Vendredi 10 avril, 20 décès dus au coronavirus avaient été enregistrés depuis l’apparition locale de la pandémie. Prolongé jusqu’au 26 avril, le confinement a été annoncé le 15 mars par le gouvernement dirigé par le premier ministre Hassan Diab, avec la suspension des commerces non essentiels. Avant cette date, restaurants et bars avaient déjà dû fermer. Les écoles aussi. Le pays est isolé. A l’exception du rapatriement en cours des Libanais de l’étranger, les vols ont été suspendus, et les postes-frontières avec la Syrie bouclés. Déflagration sociale Le ralentissement de l’activité exacerbe les difficultés, dans un pays secoué par une grave crise financière et économique depuis l’automne 2019. La dépression s’était déjà fait sentir avant la crise sanitaire, avec la difficulté croissante de familles à s’acquitter des frais de scolarité de leurs enfants (la majorité des élèves sont scolarisés dans le privé) ou à se soigner. Selon un responsable du ministère des finances, près de 45 % de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté. Ce taux était évalué à un tiers avant l’automne. « L’appauvrissement va s’accélérer avec la crise du Covid-19. Des entreprises, dans la restauration [des centaines de restaurants ont déjà mis la clé sous la porte depuis octobre] ou l’industrie, sont menacées de faillite, ce qui signifierait de nouveaux licenciements », considère le ministre de l’économie, Raoul Nehmé. Selon le cabinet d’analyses Infopro, près de 220 000 emplois ont déjà été supprimés entre octobre 2019 et janvier 2020. La mise à l’arrêt du pays fragilise aussi la main-d’œuvre du secteur informel (plus de la moitié des travailleurs au Liban).

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