Adam Tooze : « L’ampleur de la crise s’aggrave de jour en jour, sous nos yeux »
2020-05-02 17:56:23
Pour l’historien de l’économie, professeur à l’université Columbia, « le monde n’a jamais traversé un choc si violent ».
Réputé pour ses travaux sur la crise de 2008, l’historien de l’économie Adam Tooze, professeur à l’université Columbia, estime que la récession liée à la pandémie due au coronavirus entraînera une vague de faillites difficilement évitable. S’il trouve « hypocrite d’affirmer que la mondialisation est une mauvaise chose », il plaide pour une croissance plus sensée tout en redoutant que l’urgence écologique soit, une nouvelle fois, reléguée au second plan.
L’humanité a-t-elle déjà traversé une crise comparable au cours des siècles passés ?
Non. Arrêt simultané de la production, des échanges et des voyages dans pratiquement tous les grands pays… Jamais le monde n’a traversé un choc si violent, à une telle échelle, et dont l’ampleur s’aggrave de jour en jour, sous nos yeux. En cinq semaines, 26 millions d’Américains se sont inscrits au chômage. Au moment où je vous parle, j’observe une file de près de 300 mètres de long devant une pharmacie, avec des personnes espacées de deux mètres, sous mes fenêtres. Jamais pareille scène n’a été vue aux Etats-Unis.
Comment éviter des faillites à la chaîne et un désastre social ?
Les gouvernements des pays industrialisés en font beaucoup pour soutenir les entreprises et les ménages – rappelons que la consommation des Américains est le principal moteur de l’économie mondiale, il est essentiel de la maintenir. Malgré tout, les dégâts seront inévitables. La plupart des PME et des petites entreprises, aux Etats-Unis comme ailleurs, dégagent très peu de marges financières. Elles n’ont pas de quoi tenir pendant des semaines, voire des mois. Les faillites seront nombreuses.
Combien de temps sera nécessaire pour nous en remettre ?
Il y a de grands débats sur la forme que prendra la reprise : en « U », en « V », en « L », en « W » ? Il est impossible d’apporter une réponse, car personne ne sait comment évoluera la pandémie et, en conséquence, comment l’économie redémarrera. L’intensité du problème en Europe prête cependant peu à l’optimisme. Il n’est pas certain que l’Allemagne, très dépendante des exportations, sera l’un des moteurs de la reprise.