Ligue du LOL : 3 questions sur l’anonymat et le pseudonymat sur Internet

  • 2019-02-11 21:04:10
Face à plusieurs affaires de harcèlement nées sur les réseaux sociaux, le gouvernement a multiplié les prises de position contre l’anonymat en ligne. Mais la question est plus complexe qu’il n’y paraît. Cette déclaration de la députée LRM de Paris, Laetitia Avia, lundi 11 février au matin, résume une idée bien ancrée dans les rangs de la majorité : une grande partie des maux d’Internet réside dans l’anonymat – supposé – de ses utilisateurs. Elle fait suite à l’affaire de la Ligue du LOL, du nom d’un groupe Facebook de jeunes journalistes et communicants ayant commis du harcèlement ciblé sur Internet au début des années 2010, mise au jour notamment par Libération le vendredi 8 février. Cette déclaration intervient alors que, depuis plusieurs semaines déjà, le gouvernement pave la voie à une réforme de l’identité en ligne. Dès le 18 janvier à Souillac, le président de la République avait émis le souhait d’une « levée progressive de toute forme d’anonymat ». Le 7 février, il a redit son opposition à l’anonymat sur Internet, cette fois dans le contexte du harcèlement scolaire. Il répondait alors à la question d’une élève à propos des moyens mis en œuvre par l’Etat pour lutter contre le phénomène. « On va continuer à travailler avec les plates-formes Internet, pour sanctionner ce qui est fait sur ces plates-formes. Moi, je ne veux plus de l’anonymat sur les plates-formes Internet. Et je veux une vraie responsabilité des parents, et l’interdiction, c’est le seul moyen. » Ces prises de position rejoignent de nombreux débats tenus sur les réseaux sociaux et dans les médias au cours de ces derniers mois. De quel anonymat parle-t-on exactement ?La notion d’anonymat est souvent invoquée pour expliquer les dérives du Web. Mais, souvent, il s’agit d’un anonymat plus fantasmé que réel. D’abord parce qu’Internet n’est pas un espace de publication homogène. D’une plate-forme à l’autre, des régimes d’identité très différents se côtoient. Si aucun chiffre ne permet de quantifier la répartition entre ceux-ci, il est au moins possible de les différencier. L’identité réelle est privilégiée sur les plates-formes à vocation professionnelle (LinkedIn, Viadeo…), ou permettant de retrouver des ancêtres ou des camarades de promotion (comme Copains d’avant), rarement épinglés pour leur violence. Mais on la retrouve également très largement sur Facebook. Les règles d’utilisation du réseau social de Mark Zuckerberg stipulent que « vous devez utiliser le nom que vous utilisez au quotidien ; fournir des informations exactes à propos de vous » et le réseau peut procéder à des demandes de pièces d’identité, même si c’est rarement le cas. Sur Twitter, il est possible de s’exprimer sous son nom réel et de demander que son compte soit authentifié, ce que font de nombreuses personnalités issues du monde de l’art, des médias et de la politique. L’anonymat. Il est en réalité très marginal : on ne le retrouve que sur quelques espaces de discussion connus pour leur permissivité, comme 4chan et ses clones. Chaque utilisateur apparaît alors sous le nom de « Anonymous » (d’où le nom du mouvement hacktiviste qui en est né au début des années 2000), et les utilisateurs se surnomment « Anon » entre eux. Néanmoins, cet anonymat n’est que de façade : le site collecte l’adresse IP de l’appareil depuis lequel ces messages sont postés, ce qui permet leur traçabilité et, bien souvent, de retrouver leurs auteurs. Le pseudonymat. C’est le régime le plus répandu, que ce soit sur les traditionnels forums du type JeuxVidéo.com ou Gamekult, ou les réseaux sociaux modernes comme Reddit, Twitter, Instagram ou WhatsApp. Certaines figures sur Internet sont aujourd’hui célèbres sous un surnom choisi par elles, sans que cela n’empêche de les identifier, c’est le cas de l’avocat Me Eolas sur Twitter, ou des vidéastes Squeezie ou PewDiePie sur YouTube. Ce pseudonymat n’est pas propre à Internet. Des personnalités célèbres sont également connues sous un nom d’emprunt, comme le dessinateur Hergé, le footballeur Pelé, les chanteurs Prince et Johnny Hallyday, ou les dirigeants soviétiques Lénine et Staline. Ce recours au pseudonymat ne donne pas d’informations civiles sur une personne, mais permet de la reconnaître et de l’identifier. Il n’empêche pas, par ailleurs, au réseau social ou à la plate-forme utilisée d’exiger plus d’informations non publiques sur l’utilisateur (notamment son mail ou son numéro de téléphone). Les messageries Whatsapp et Telegram, par exemple, permettent à n’importe qui d’avoir un compte sous le nom qu’il souhaite : mais il doit normalement être associé à un numéro de téléphone accessible à l’utilisateur. De quoi permettre, là aussi, de remonter jusqu’à l’auteur d’un message sortant du cadre de la loi. AFP.  

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