Contrôle au faciès : une victoire juridique et symbolique face à l’Etat
2021-06-13 20:35:24
La cour d’appel de Paris a donné raison à trois lycéens, qui estimaient avoir subi un contrôle discriminatoire en 2017, gare du Nord, à Paris.
Il s’agit de dossiers où l’enjeu est souvent double, à la fois juridique et symbolique. A ce titre, c’est une victoire sur les deux plans qu’ont obtenue, mardi 8 juin, trois jeunes qui estimaient avoir été victimes d’un contrôle d’identité au faciès, en 2017. La cour d’appel de Paris a décidé de condamner l’Etat pour « faute lourde », jugeant le contrôle opéré par les forces de l’ordre « discriminatoire » et infirmant ainsi le jugement rendu en première instance qui déboutait les requérants de leur demande.
L’affaire remonte au 1er mars 2017. Ce soir-là, vers 20 heures, à la gare du Nord, à Paris, Ilyas H., Mamadou C. et Zakaria H. M., trois Français d’origine marocaine, malienne et comorienne, descendent du train qui les ramène d’un voyage scolaire à Bruxelles où ils ont visité les institutions européennes avec leur classe de terminale. Un premier jeune est contrôlé au pied du train, les deux autres plus loin, dans le hall de la gare. Devant leurs camarades, ils sont fouillés, palpés, leur identité vérifiée. Le contrôle ne donne rien, les jeunes repartent libres, mais « humiliés ». A l’enseignante qui accompagne les élèves et prend leur défense, Elise Boscherel-Deniz, les policiers rétorquent qu’ils « font leur travail ».
Les adolescents, qui veulent obtenir réparation, engagent la responsabilité de l’Etat. Par un jugement du 17 décembre 2018, le tribunal judiciaire de Paris les a déboutés, estimant que le contrôle avait été effectué « dans un objectif légitime de maintien de l’ordre, sans discrimination fondée sur l’origine ». Pour motiver sa décision, le tribunal se fondait, entre autres, sur le rapport d’un brigadier de police rédigé deux mois après les faits. Celui-ci évoquait le contexte terroriste et le trafic de stupéfiants, particulièrement important gare du Nord. Il expliquait que deux des jeunes portaient un « gros sac », que ses agents ne les avaient pas identifiés comme faisant partie d’un groupe scolaire et qu’ils pouvaient avoir « 25 ans ». Enfin, le tribunal notait que les trois lycéens ne pouvaient prétendre avoir fait l’objet d’une « discrimination fondée sur leur appartenance raciale ou ethnique, réelle ou perçue, dès lors que tous les élèves de la classe sont décrits par la professeure comme étant d’origine étrangère », et qu’ils n’avaient pas tous été contrôlés.
La cour d’appel de Paris a retenu une tout autre analyse. Dans son arrêt du 8 juin, elle estime que pour apprécier le caractère discriminatoire du contrôle, il convient de comparer le traitement subi par les trois adolescents non pas par rapport au reste de leur classe, mais par rapport à l’ensemble de la population qui descendait du train. Or, juge la cour, la Préfecture de police de Paris n’a pas été en mesure de prouver, à l’appui d’une liste précise, que d’autres personnes avaient effectivement fait l’objet d’un contrôle à ce moment-là.