« Repenser les différentes formes d’instruction en milieu rural »
2019-05-13 21:51:55
Le développement de l’instruction à domicile touche aussi les zones rurales et interroge les objectifs et valeurs de l’école républicaine, explique dans une tribune au « Monde », Françoise Carraud, maître de conférences en sciences de l’éducation.
Implantée dans le centre de la France, au sein d’un parc naturel régional, une association d’éducation populaire s’est donné pour mission de fédérer et de relier les habitants de ce territoire rural enclavé de petites montagnes, où la densité de la population est de quinze habitants au km² – le nom de ce terrain de recherche ne sera pas divulgué ici. Entre autres activités, cette association propose des « rencontres du savoir » lors desquelles les volontaires sont invités à présenter et à échanger leurs connaissances sur des sujets variés.
Au cours d’une de ces rencontres, en 2017, une mère de famille instruisant ses enfants à domicile a présenté cette modalité d’instruction qui ne passe pas par l’école. A la suite de vifs débats suscités par son intervention, l’association a décidé d’organiser un groupe de réflexion sur ces sujets. Pour les aider à produire des savoirs, le groupe nous a invités à les rejoindre, un collègue enseignant-chercheur en éducation et moi-même. Ce travail de plusieurs mois a abouti, en avril dernier, à une journée d’étude sur les différentes modalités d’éducation et d’instruction des enfants en territoire rural. Voici les principaux éléments des débats.
L’instruction est obligatoire, pas l’écoleLes historiens de l’école ont montré que le projet de l’école obligatoire s’est dès ses débuts heurté aux familles qui se sont senties dessaisies de leurs enfants. Pour la plupart des familles populaires, les enfants étaient destinés au travail, tout comme les adultes, que ce fût aux champs ou dans les fabriques. Le temps de l’école pouvait alors être considéré comme une forme de confiscation du temps des enfants, et comme une emprise de l’Etat sur la vie familiale. Les familles bourgeoises ou aristocratiques, quant à elles, étaient réfractaires à l’obligation scolaire – même dans des écoles privées confessionnelles – parce qu’elles ne voulaient pas confier à d’autres le soin de l’éducation et de l’instruction de leurs propres enfants.
Ces résistances ont eu une influence sur les lois Jules Ferry (1881-1882) qui prévoient que seule l’instruction est obligatoire (et non l’école), à condition de faire la preuve que celle-ci est conforme aux programmes de l’Etat. Pendant longtemps, cette possibilité n’a été exploitée que par un petit nombre de familles qui pouvaient employer des précepteurs. Ou, plus largement, par celles dont les enfants ne pouvaient être scolarisés pour des raisons de santé ou de déplacements de la famille. Ces deux derniers motifs pour ne pas scolariser certains enfants semblent encore majoritaires aujourd’hui.
AFP.