En Amazonie, la grande peur des peuples indigènes face au coronavirus

  • 2020-04-13 15:21:22
Livrées à elles-mêmes dans une région sous-équipée, les communautés tentent de se protéger de la maladie qui se propage. Le scénario d’une crise profonde prend chaque jour un peu plus forme au sein des communautés indigènes d’Amazonie. Répartis sur 7 millions de kilomètres carrés, douze fois la taille de la France, à cheval sur neuf pays, les Indiens du bassin amazonien recensent, depuis un peu plus d’une semaine, les premières contaminations au coronavirus. D’une région à l’autre, les cas se multiplient et pourraient prendre des proportions alarmantes si les orientations des autorités locales pour aider les peuples autochtones à faire face à l’épidémie de Covid-19 demeurent à ce point inexistantes, ou presque. Au Brésil, au moins trois Indiens d’Amazonie sont déjà décédés des suites de la maladie, selon l’Institut socio-environnemental (ISA) − une ONG spécialisée dans les droits des peuples −, qui conteste les chiffres divulgués par le ministère de la santé (celui-ci ne reconnaissait, vendredi 10 avril, que 6 cas confirmés, 24 suspects et un seul décès). En Equateur, les Indiens sont d’autant plus inquiets que, dans ce petit pays de 15 millions d’habitants, le nombre de malades est monté ces derniers jours à 7 161, celui des morts à 297. La ville de Guayaquil, submergée par la pandémie, n’est qu’à sept heures de route de la jungle, un peu plus de 200 km à vol d’oiseau. Au Pérou, un seul cas a été à ce jour recensé, celui d’un leader indigène, Aurelio Chino, contaminé lors d’un séjour en Europe où il effectuait une tournée pour dénoncer les ravages de l’industrie pétrolière. Il a été en contact avec plusieurs personnes avant d’être confiné. Partout, la peur gagne les aldeias (« villages ») indiens où le confinement à l’intérieur des communautés est, par nature, difficile. La vie collective dans la maloca, la « maison commune », rend toute quarantaine individuelle quasi impossible. Une situation d’autant plus périlleuse que les populations indigènes souffrent déjà de multiples comorbidités, qu’elles sont plus exposées aux virus et ont moins accès aux soins. « On le sait, affirme Sydney Possuelo, célèbre sertaniste (spécialiste du sertao, région du nord-est du pays) brésilien et ancien président de la Fondation nationale de l’Indien (Funai), cette nouvelle maladie hautement contagieuse et virulente représente un danger particulier pour ces populations immunologiquement vulnérables. De tout temps, les virus transmis par les Blancs aux peuples autochtones ont eu un effet beaucoup plus dangereux en raison de la faiblesse de leurs anticorps. » De 90 à 95 % des 10 à 12 millions d’Indiens présents au moment de l’invasion européenne ont été exterminés par les maladies importées par les colonisateurs.

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