Coronavirus : à bord d’une rame TGV transformée en service de réanimation mobile
2020-04-15 17:03:52
Le 10 avril, deux TGV ont quitté Paris avec à leur bord 45 patients sous sédation et respiration artificielle. La photojournaliste Laurence Geai a pu suivre ce trajet.
Il est 7 h 30, vendredi 10 avril, gare d’Austerlitz, à Paris. Habituellement, on aurait pu voir les passagers se masser sur les quais, en cette veille de week-end de Pâques.
Mais ce matin-là, c’est un ballet d’ambulances, de brancards et de personnels soignants qui défile. Deux TGV, Chardon 9 et 10 (du nom de l’opération de transfert ferroviaire), ont été mis à disposition des services de santé pour évacuer 45 patients d’Ile-de-France afin de libérer des lits de réanimation. C’est à bord de Chardon 9 qu’a embarqué la photojournaliste Laurence Geai, direction Bordeaux. Chardon 10, lui, se rend à Poitiers.
Chaque convoi est composé d’une rame standard placée en tête pour absorber le choc en cas de rencontre avec un obstacle, et d’une seconde rame sanitarisée. A l’intérieur, chaque voiture en duplex a été littéralement transformée en hôpital de campagne pour accueillir quatre patients. En tout, ce TGV transporte 24 malades.
En bas, dans la zone Covid, les patients et leurs brancards sont installés à la place des fauteuils. Les perfusions, respirateurs portables et autres machines sont placés au-dessus, là où l’on pose un manteau ou un sac en temps normal.
Les patients sont sous sédation, intubés et sous respiration artificielle. « On fait tout comme si on était en service de réanimation », constate le docteur Lionel Lamhaut, anesthésiste-réanimateur et coordinateur du transport.
La voiture-bar, espace de commandement
En haut, c’est l’espace des soignants : deux médecins, quatre infirmiers et un logisticien par voiture, sans compter les secouristes bénévoles. La voiture-bar, elle, est convertie en centre de commandement. Dans chaque voiture transportant des patients, les contacts entre les deux espaces sont aussi rares que possible, afin d’éviter toute contamination. Près des escaliers, un sas permet au personnel de s’équiper en tenue stérile.
Côté SNCF, tous les postes sont doublés : conducteurs, chefs de bord, dépanneurs, agents de sûreté… Tous volontaires.
Vers 13 heures, le ballet reprend sur les quais de la gare de Bordeaux. Des véhicules médicalisés du SAMU, des pompiers et de la Croix-Rouge répartissent les malades vers des hôpitaux et cliniques privées de l’agglomération. Les soignants et les secouristes qui étaient à bord repartent vers Paris.
« C’est une organisation inédite en Europe, si ce n’est dans le monde », s’exclame la docteure Agnès Ricard-Hibon, présidente de la Société française de médecine d’urgence. « On a un système hospitalier relativement fort pour pouvoir répondre à cette crise », affirme Lionel Lamhaut. « Mais ce système est clairement abîmé, regrette-t-il. Est-ce qu’après la crise, on aura plus de moyens ? C’est une vraie question. »