Liban : « Si la haine continue comme ça, on va tout droit vers la guerre civile »
2020-08-17 20:57:04
Les habitants d’un quartier chiite de Beyrouth s’inquiètent de l’amalgame entre accusations contre le Hezbollah et stigmatisation communautaire.
A Khandak el-Ghamik, des immeubles vétustes jouxtent des bâtiments abandonnés pendant la guerre (1975-1990). Des habitations insalubres font face à un cimetière, dans ce quartier populaire, attenant au centre-ville de Beyrouth. « Le bidonville de la capitale », commente Fatima Issa, une trentenaire revenue de l’étranger y vivre il y a près d’un an. « Les choses y seraient différentes si les gens avaient des opportunités. » Le quartier n’est pas situé à l’épicentre de la double explosion au port de Beyrouth, mais la déflagration y a aussi fait des dommages : des vitres ont été soufflées, des portes arrachées, des murs fissurés. Le traumatisme est ancré. Chacun raconte spontanément ce qu’il faisait le 4 août, lors de la déflagration.
A l’entrée du domicile de Mohamad Abbas Ismaïl, un portrait de son frère Ali, tué au port, a été accroché, avec cette mention, « martyr de la nation ». Mohamad s’apprête à rejoindre sa famille, partie dans leur région d’origine, le Sud, pour les funérailles : « Nous n’avons reçu aucune visite de gens de l’Etat. Seuls les partis du quartier sont venus en signe de solidarité. » Il s’agit principalement du mouvement Amal, dirigé par Nabih Berri, le très critiqué président du Parlement, puis du Hezbollah, deux formations chiites.
La colère est lancinante, dans ces ruelles où travaillent au ralenti petits artisans et commerçants, crise oblige. « Je veux que l’enquête aboutisse, je veux savoir pourquoi mon frère est mort », dit Mohamad. Ici aussi, on déplore que l’Etat soit réduit à une peau de chagrin. Même les deux partis influents, qui conservent une base populaire, essuient des critiques : « Seuls ceux qui sont affiliés bénéficient de services », répète-t-on.