Moustapha Adib, nouveau Premier ministre du Liban, face à une tâche titanesque

  • 2020-08-31 20:47:45
Le nouveau Premier ministre du Liban, Moustapha Adib, est confronté à des défis gigantesques pour empêcher l’effondrement du pays. Jusqu’au dimanche 30 août, l’immense majorité des Libanais n’avaient jamais entendu parler de celui qui sera nommé Premier ministre le lendemain pour succéder à Hassane Diab, démissionnaire depuis le 10 août. Moustapha Adib est un inconnu du grand public. Cet homme de 49 ans, de belle prestance, a été convoqué en urgence de Berlin, où il occupait depuis près de 7 ans le poste d’ambassadeur du Liban en Allemagne. Avant sa carrière de diplomate, il était professeur de sciences politiques à l’Université libanaise (publique) et conférencier à l’Académie militaire de l’armée. Entre 2011 et 2013, il a occupé le poste de directeur du Cabinet du Premier ministre de l’époque, le milliardaire Najib Mikati, originaire comme lui de Tripoli, la deuxième ville du Liban dans le nord du pays. Un profil semblable à Hassane Diab Le profil de Moustapha Adib est proche de son prédécesseur Hassane Diab. Tous deux viennent du monde universitaire et ne font pas partie du club très fermé des personnalités sunnites de premier plan, parmi lesquelles sont généralement choisis les chefs de gouvernement. Toutefois, Adib a été adoubé par le « rassemblement des anciens Premiers ministres » (qui regroupe Saad Hariri, Fouad Siniora, Najib Mikati et Tammam Salam), lequel avait privé Diab de toute légitimité sunnite car il avait été proposé par l’entourage du président de la République chrétien, Michel Aoun, et soutenu par les partis chiites. Le choix de Moustapha Adib ne constitue donc pas une rupture avec le système politique décrié par une partie des Libanais. Même s’il n’est pas directement affilié à une formation politique, le diplomate a reçu le soutien de 90 des 120 députés consultés ce lundi par le président Aoun, représentant l’ensemble du spectre politique, y compris le mouvement Amal et le Hezbollah chiites. Seul le parti chrétien des Forces libanaises, dirigé par l’ancien chef de milice Samir Geagea, et quelques députés indépendants, ne l’ont pas nommé. Des voix discordantes se sont élevées aussi de l’extérieur de la classe politique. Bahaa Hariri, qui dispute à son frère Saad le leadership de la communauté sunnite hérité de leur père Rafic Hariri, a estimé que Moustapha Adib est « un autre agent de l'ancien régime du Liban ». « Il est inacceptable que les seigneurs de la guerre et les milices gouvernent notre pays. Nous avons besoin d'un changement total afin d'arriver à un nouveau Liban », a écrit l’homme d’affaires sur son compte Twitter. Le mouvement de contestation déçu Certains courants du mouvement de contestation, qui bat le pavé depuis octobre 2019, ne semblent pas vouloir accorder à Moustapha Adib une période de grâce. Dès l’annonce de sa candidature, dimanche soir, des dizaines de personnes se sont rassemblées sur une place de sa ville natale pour dénoncer ce choix, qui ne répond pas, selon elles, aux aspirations de changement politique réclamé par les contestataires. Conscient de l’importance d’une adhésion populaire à son mandat, le Premier ministre désigné a sollicité la « confiance de la population » après avoir obtenu celle d’un large éventail de la classe politique. Il s’est donc rendu pour son premier contact avec la foule à Gemmayzé, l’un des quartiers les plus dévastés par la catastrophe du 4 août. Si certaines personnes ont eu de brefs échanges avec lui, d’autres ont refusé de lui adresser la parole, scandant, à son passage, des slogans pour « la révolution ». « Nous espérons que la reconstruction se fera le plus rapidement possible et que les résultats de l'enquête sur les causes de l'explosion puissent être présentés rapidement devant l'opinion publique », a dit Moustapha Adib, dans un quartier portant encore les stigmates de la déflagration cataclysmique. Dans une déclaration faite plus tôt au palais présidentiel, juste après sa désignation, le Premier ministre avait donné le ton. « L’heure n’est pas aux paroles ou aux promesses mais à l’action ». Il s’est engagé à former une équipe « homogène », composée d'experts et de personnes compétentes, qui mènerait des réformes exigées par les Libanais et par la communauté internationale. « La tâche que j'ai acceptée repose sur le fait que toutes les forces politiques sont conscientes de la nécessité de former un gouvernement en un temps record et de commencer à mettre en œuvre des réformes, avec comme point de départ un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) », a-t-il précisé. Le Liban espère obtenir du FMI un prêt de 10 milliards de dollars pour freiner l’effondrement et relancer l’économie. Mais les négociations avec l’institution financière piétinent depuis des mois.

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