Arabie saoudite: l'application qui surveille les femmes

  • 2019-02-15 23:03:19
Apple et Google, qui hébergent l'application sur leurs "stores", ont tous deux promis de lancer une "enquête". C'est une application mobile qui fait frémir les défenseurs des droits des femmes en Arabie saoudite. Absher ("à votre service", en arabe) se présente comme un portail de services par le ministère de l'Intérieur saoudien. Cette "app" permet d'effectuer des tâches administratives (renouveler un permis de conduire, payer sa place de parking), mais aussi de surveiller ses épouses. Les femmes saoudiennes n'ayant pas le droit de voyager seules, un simple module de cette application permet au mari (au père ou au frère) d'enregistrer le numéro de passeport d'une femme de façon à surveiller ses déplacements. Il peut décider combien de voyages une femme peut effectuer, pour combien de temps, quels aéroports elle peut emprunter et révoquer ces autorisations à tout moment, d'un simple clic. Avant Absher, les Saoudiennes devaient obtenir de leur "tuteur" la signature d'un bordereau pour franchir les douanes. L'application a numérisé et simplifié cette autorisation pour les hommes. Elle leur permet, en outre, d'être alerté et d'obtenir un relevé de tous les trajets empruntés par la femme qu'ils souhaitent maintenir sous surveillance. Google et Apple interpellés Or, l'application est hébergée très officiellement sur les "stores" de Google et d'Apple. Une enquête du magazine Business Insider aux États-Unis a permis d'alerter sur l'existence de cette application. Des sénateurs américains et des associations des droits de l'homme ont tenté de faire pression sur les PDG de ces entreprises afin qu'ils cessent d'héberger cette application.   Devant les premiers articles cette semaine, les deux firmes de la Silicon Valley ont eu une réaction prudente. Interrogé par NPR, le PDG d'Apple, Tim Cook, a expliqué qu'il n'était "pas au courant", mais qu'il allait "regarder de quoi il retourne". Google a déclaré au New York Times qu'il ferait de même. Mais les appels au retrait strict de l'application continuent, notamment via le hashtag "#DropTheApp" sur Twitter. "Absher est un outil du patriarcat ; il permet aux hommes saoudiens de suivre les femmes à la trace, de restreindre leurs déplacements et de violer des droits humains. Apple et Google doivent cesser de faciliter ce dangereux outil de contrôle", a tweeté par exemple Katherine Clark, élue démocrate à la Chambre des représentants. "Citoyennes de seconde classe" Les Saoudiennes ont conquis quelques droits ces derniers mois, notamment l'autorisation de conduire en juin 2018 et la possibilité d'assister à un match de football dans un stade en janvier de la même année. Mais l'Arabie saoudite reste l'un des pays les plus patriarcaux au monde. Outre l'autorisation de sortir du pays, les femmes doivent aussi obtenir la permission d'un homme de leur famille pour leurs études ou accéder à certains soins. Pour prendre leur liberté, certaines sont prêtes à fuguer au risque de leur vie. En janvier, l'histoire de la jeune Rahaf Mohammed al-Qunun qui avait fui son pays, se barricadant dans une chambre d'hôtel en Thaïlande, avait fait grand bruit. Si l'histoire de cette jeune femme de 18 ans a eu un dénouement heureux - elle a obtenu l'asile au Canada -, elle ne fait que masquer la situation dramatique de milliers d'autres, sous tutelle masculine. À la lumière de la parution de ces articles, le Parlement européen a voté jeudi une résolution pour interpeller l'Arabie saoudite : "le système politique et social saoudien demeure discriminatoire, en faisant des femmes des citoyennes de seconde classe", ont critiqué les élus depuis Strasbourg. AFP.

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