Yémen: comprendre un conflit qui a déjà quatre ans
2019-03-25 23:12:24
Cela fait maintenant quatre ans que l’Arabie saoudite, avec l’aide des Emirats arabes unis, intervient au Yémen. Alors que le conflit s’apprête à entrer dans sa cinquième année, le Yémen est confronté à un désastre humanitaire sans précédent : plus de 20 millions de personnes sont confrontées à la faim, aux épidémies et à la violence d’un conflit dans une impasse militaire et politique totale qui risque d’enflammer toute la région. Retour sur cette histoire dramatique avec le chercheur François Frison-Roche.
François Frison-Roche est docteur en sciences politiques, spécialiste des transitions démocratiques. Chercheur au CNRS, il travaille actuellement au Centre d’études et de recherches de sciences administratives et politiques (Cersa) de l’Université Paris 2 Panthéon-Assas. Ayant dirigé le projet « Aide à la transition au Yémen », il a été détaché par le gouvernement français auprès de la Conférence de dialogue national et de la Commission de rédaction de la Constitution yéménite de 2012 à 2014.
Quel est le point de départ de cette guerre, François Frison-Roche ? Est-ce l’onde de choc du « printemps arabe » sur la région ?
François Frison-Roche : On peut dire d’une certaine manière que le mouvement yéménite s’est déclenché au moment des révolutions arabes. Mais au Yémen, c’était davantage un règlement de comptes entre prédateurs yéménites que le déclenchement d’une révolution au sens où on peut l’entendre. Bien sûr qu’il y avait un ras-le-bol général de la population après 33 ans de dictature d’Ali Abdallah Saleh, mais c’était surtout un règlement de comptes entre trois prédateurs locaux, qui souhaitaient garder le pouvoir ou se le répartir différemment. Ces trois prédateurs étaient l’ancien président Ali Abdallah Saleh, le général Ali Mohsen al-Ahmar, plutôt proche des Frères musulmans et du parti al-Islah, et Hamid al-Ahmar, un chef d’une confédération de tribus très importantes, lui aussi plutôt de tendance islamiste al-Islah. Donc, quand le président Ali Abdallah Saleh a voulu mettre son fils à sa place, les deux autres prédateurs ne l’ont pas accepté et ont profité du moment du printemps arabe pour écarter le président Ali Abdallah Saleh et tenter de redistribuer les cartes du pouvoir politique et économique.
AFP.