Au Liban, la contestation reprend sur fond de déconfinement et d’effondrement de la livre
2020-04-29 16:35:53
Alors que le pays entre dans une phase progressive de retour à la normale, les heurts se multiplient. En cause, la crise économique et la hausse des prix aggravées par le confinement.
Routes bloquées, banques saccagées, affrontements avec l’armée : au Liban, les prémices du déconfinement ont coïncidé avec la reprise et le durcissement du mouvement de protestation antisystème qui avait secoué le pays à l’automne. Lundi 27 et mardi 28 avril, premiers jours d’un plan de retour à la normale étalé sur six semaines, des manifestations ont éclaté un peu partout dans le pays, en signe de colère face à l’effondrement de l’économie. Les heurts avec l’armée ont causé la mort d’un protestataire et fait des dizaines de blessés, aussi bien parmi les militaires que parmi les manifestants.
Le secteur bancaire en accusation
C’est à Tripoli, la métropole sunnite du nord, l’une des villes les plus pauvres du pays, que les rassemblements ont été les plus massifs et les plus violents. Mardi soir, pour la deuxième journée consécutive, des centaines de jeunes ont incendié des banques et attaqué l’armée à coups de pavés et de cocktails Molotov. Les protestataires accusent le secteur bancaire, de mèche avec la classe politique qui possède souvent des parts de ces établissements, d’avoir contribué à la faillite de l’Etat. En mars, le Liban s’est déclaré en défaut de paiement sur sa dette souveraine.
Mardi, les affrontements avec les militaires, qui ont répliqué au moyen de grenades lacrymogènes et de balles en caoutchouc, avaient débuté dans la foulée des funérailles d’un mécanicien de 26 ans, Fawaz Al-Samman. Le jeune homme avait été tué la veille par un tir de l’armée, qui a présenté ses regrets et annoncé l’ouverture d’une enquête. Il s’agit des journées les plus violentes depuis le 17 octobre 2019 et le début du mouvement de contestation dirigé contre les partis confessionnels qui ont mis le pays en coupe réglée.
Après avoir obtenu la chute du gouvernement d’unité nationale de Saad Hariri, la révolte s’était étiolée. Une partie des contestataires paraissait vouloir donner une chance au nouvel exécutif, mi-technocratique, mi-politique, formé en février, avec à sa tête l’universitaire Hassan Diab. Le couvre-feu imposé le mois suivant, en réponse à l’épidémie de coronavirus qui a fait 24 morts et contaminé 717 personnes dans le pays, avait achevé de paralyser la contestation.
« Les gens ont faim »
« C’est la deuxième vague de la révolution, veut croire Michel Douaihy, un professeur de sciences politiques de l’Université américaine de Beyrouth, impliqué dans le mouvement. La première était très belle, très idéaliste. La deuxième sera différente. Avec 50 % de la population qui est passée sous le seuil de pauvreté depuis l’automne, c’est désormais une question de survie. »