« Le désastre libanais est le résultat de décennies de mauvaise gestion, de corruption, menées par une élite oligarchique »

  • 2020-07-17 20:08:54
Le Liban vit la pire crise économique de son histoire. Le correspondant du « Monde » à Beyrouth, Benjamin Barthe, a répondu, dans un tchat, à vos questions sur la situation au Liban. Au Proche-Orient, le Liban vit la pire crise économique de son histoire, aggravée par la pandémie mondiale de Covid-19. Mais aussi par un contexte politique délicat, exacerbé par les tensions entre le Hezbollah, un allié de l’Iran qui domine la vie politique libanaise, et les Etats-Unis. Notre correspondant à Beyrouth, Benjamin Barthe, a répondu jeudi 16 juillet à vos questions dans un tchat du Monde. @Elias : Où en sont les négociations entamées avec le FMI autour d’une aide financière ? Plus globalement, quelle est la position des Etats-Unis, qui semblent tirer profit de la crise pour appliquer une pression maximale sur le Hezbollah (et donc l’Iran et ses alliés) en le privant de dollars ? Elles patinent. La délégation libanaise, qui est minée par les divisions, ne parvient même pas à s’accorder sur un diagnostic, c’est-à-dire le chiffrage des pertes, l’ampleur de la banqueroute. Le secteur bancaire, représenté dans les négociations par le gouverneur de la banque centrale, persiste à dire que le Liban n’est pas en faillite. Le gouvernement voudrait avancer en direction d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), mais il est court-circuité de toutes parts. Un exemple : le FMI demande une loi sur le contrôle des capitaux. Le gouvernement y est favorable, les banques aussi, mais le président du Parlement, Nabih Berri, chef du parti AMAL qui soutient théoriquement le gouvernement, s’y refuse, de même que la banque centrale. Donc, ça n’avance pas. Les Etats-Unis font pression, c’est exact, mais dans l’hypothèse où le Liban parviendrait à un accord avec le FMI, il est peu probable que Washington s’y opposerait. Chb20 : Dans quelle mesure s’agit-il d’une politique délibérée des Etats-Unis dans leur confrontation avec l’Iran (en affaiblissant le Hezbollah) ? Le désastre libanais est principalement « home made ». C’est le résultat de décennies de mauvaise gestion, de corruption menées par une élite oligarchique et prédatrice. La crise, qui couvait depuis longtemps, a éclaté à l’automne 2019 lorsque la pyramide de Ponzi mise en place par la banque centrale pour financer les besoins en dette de l’Etat s’est finalement écroulée. Cela dit, le Liban ne vit évidemment pas en vase clos et la conjoncture internationale l’affecte. Les pressions américaines sur la Syrie et sur le Hezbollah ont un impact sur le pays du Cèdre. Tout comme le ralentissement de la croissance dans le Golfe, qui a obligé beaucoup d’expatriés libanais, sources de revenus pour leur patrie, à faire leurs valises. Mais la cause principale de la crise est endogène. Didon : Qu’en est-il du Hezbollah durant cette crise ? Ne risque-t-on pas de le voir jouer un rôle social important, en assurant par exemple la distribution de produits de base, et voir par la même occasion son influence monter dans le pays ? Et qu’en pensent les pays voisins ?Tous les partis tentent de profiter de la crise pour rapiécer le système communautaire mis à mal par le soulèvement populaire de l’automne 2019, et raffermir leur contrôle sur leur base politico-confessionnelle. Cela passe entre autres par des activités caritatives, des distributions de nourriture, etc. Le Hezbollah n’est pas une exception. MichelT : Quelles sont les solutions envisagées sur le long terme, car à l’heure actuelle il n’existe quasiment aucune solution sur le court et moyen terme ? Personne ne peut le dire, c’est peut-être l’aspect le plus désespérant de la crise. A court terme, la réinjection de devises, par la signature d’un accord avec le FMI, redonnera un peu d’oxygène au pays. Lors de la Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises (Cedre), en 2018, les bailleurs de fonds au Liban avaient promis une aide de 11 milliards de dollars. Cette manne est suspendue au feu vert du FMI, qui tarde à venir. Mais cet argent ne réglera pas les problèmes de fond du pays, qui fait face à une impasse quasi existentielle. Il doit se réinventer de fond en comble, développer une économie productive, instaurer un système fiscal plus redistributeur, rompre avec – ou apurer – un système politique confessionnel complètement vicié, etc. Les défis sont vertigineux.

متعلقات