Chris Patten, dernier gouverneur de Hongkong : « Nous sous-estimons nos forces vis-à-vis de Pékin »
2020-07-21 19:00:15
L’imposition d’une loi sécuritaire à Hongkong montre qu’il n’est pas possible de faire confiance à Pékin, estime Lord Patten, qui géra la rétrocession de la colonie britannique à la Chine en 1997.
Lord Chris Patten, 76 ans, fut le dernier gouverneur de Hongkong (1992-1997), celui qui géra la rétrocession de l’ex-colonie britannique à la Chine. En réponse à l’adoption, le 30 juin, d’une loi visant à museler la contestation du régime chinois dans la ville, le Royaume-Uni durcit sa position vis-à-vis de Pékin, en suspendant lundi 20 juillet son traité d’extradition avec Hongkong, après avoir banni Huawei de ses réseaux 5G. L’ex-commissaire européen et désormais recteur d’Oxford explique pourquoi les Européens – Britanniques en tête – doivent cesser de sous-estimer leur pouvoir vis-à-vis de la superpuissance asiatique. L’entretien a été réalisé avec un groupe de journaux internationaux, dont Die Welt, El Pais, Libération ou le Neue Zürcher Zeitung.
Imaginiez-vous lors de la rétrocession de Hongkong à la Chine, qu’on en serait à cette situation, d’imposition d’une loi de sécurité nationale par Pékin et de la fin du principe « un pays, deux systèmes », qui devait garantir l’autonomie de la ville pendant un demi-siècle ?
En 1997, quand nous avons quitté Hongkong, cette situation d’un territoire avec son haut degré d’autonomie et son Etat de droit, devait perdurer pour cinquante ans. C’était ce que stipulait la déclaration conjointe déposée aux Nations unies. A l’époque, j’avais quand même des désaccords avec des spécialistes de la Chine au Foreign Office, qui me disaient : les Chinois sont des gens de parole. Mais les choses se sont finalement plutôt bien passées, à part une ou deux difficultés, par exemple en 2003, quand il y a eu une première tentative d’imposer une loi de sécurité nationale, un demi-million de personnes étaient descendues dans la rue.
Mais c’est depuis l’an dernier et le projet du gouvernement chinois d’une loi sur l’extradition que la situation s’est détériorée. Hongkong a été victime du durcissement du régime communiste (…). Il y avait un sentiment croissant au sommet du pouvoir qu’avec la globalisation, Internet, l’urbanisation du pays, le Parti communiste allait perdre sa capacité à garder le contrôle sur le pays. Et depuis que Xi Jinping a accédé au pouvoir [en 2013], les dissidents ont été traités bien plus durement et les musulmans du Xinjiang d’une manière épouvantable.
Hongkong représentait tous ces aspects de la démocratie libérale, que le Parti communiste chinois considère comme une menace à son hégémonie. Si les événements qui s’y jouent sont si importants pour le reste du monde, c’est parce qu’ils montrent à quel point il n’est pas possible de faire confiance à la Chine. Ils illustrent aussi ce conflit entre démocratie libérale et autoritarisme qui se joue au XXIe siècle. La question n’est pas de savoir si vous aimez la Chine ou pas, mais si vous êtes prêts à résister à la politique d’intimidation du Parti communiste chinois. Pour les Européens et les Britanniques, il ne devrait y avoir qu’une réponse possible.