« Beaucoup conservent un sentiment d’illégitimité » : pendant la crise sanitaire, les femmes expertes sous-représentées

  • 2020-07-23 13:50:33
Les « experts » interrogés par les médias sur le Covid-19 et ses conséquences étaient à 80 % des hommes. Pendant des siècles, les femmes ont été exclues du monde de la connaissance, mais aussi de l’espace public. Elles ont disparu du débat public sans crier gare, comme sur la pointe des pieds – au point qu’il a fallu toute la machinerie statistique de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour mesurer l’ampleur de la déroute. Pendant la crise du Covid-19, les femmes « expertes » étaient absentes, ou presque, des plateaux télévisés et des débats radiophoniques. « La parole d’autorité reste un monopole largement masculin, y compris dans un secteur comme celui de la santé où les femmes sont majoritaires », constataient le 23 juin, dans La Revue des médias de l’INA, les chercheurs David Doukhan, Cécile Méadel et Marlène Coulomb-Gully, après avoir analysé les journaux de TF1, France 2, France 3, CNews et BFM-TV de mars-avril. Le constat du CSA n’est pas moins sévère. La crise sanitaire a « aggravé » une anomalie que l’autorité publique combat depuis de longues années : les femmes, moins présentes dans les médias audiovisuels que les hommes (41 % contre 59 %), restent souvent cantonnées au registre traditionnel de la féminité – le témoignage sur la vie quotidienne (55 % contre 45 %). Pendant la crise sanitaire, elles ont ainsi été invitées à raconter à la première personne leur expérience de « maman confinée » ou de victime de violences, mais elles ont beaucoup plus rarement endossé le costume respecté de l’expert. Témoignages de « mamans confinées » Cette difficulté à accéder au statut de « sachant » n’est pas nouvelle – en 2019, les femmes ne représentaient que 38 % des experts invités à la télévision et à la radio –, mais la tendance s’est considérablement renforcée pendant l’épidémie. Sur les 3 000 experts interrogés par TF1, France 2, M6, France 5, BFM, LCI, France Inter et RTL, seuls 20 % étaient des femmes. Une absence d’autant plus énigmatique que le monde médical est aujourd’hui largement féminisé : 27 % seulement des médecins sollicités par les médias étaient des femmes, alors qu’elles représentent, selon l’Insee, 52 % des médecins hospitaliers et 46 % des généralistes et des spécialistes. Ce déséquilibre a été jugé suffisamment préoccupant pour que l’ancienne secrétaire d’Etat chargée de l’égalité, Marlène Schiappa, confie à la députée Céline Calvez (La République en marche) un rapport sur « la place des femmes dans les médias en temps de crise ». Dans sa lettre de mission, Marlène Schiappa cite une mise en garde que Simone de Beauvoir adressait, dès 1949, dans Le Deuxième Sexe, aux femmes qui imaginaient que les combats seraient un jour derrière elles : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »      

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