Violences faites aux femmes : « Il est urgent de ne plus se taire mais aussi d’arrêter ce phénomène de délation, devenu obscène et jubilatoire »
2020-10-08 18:16:31
Se battre pour défendre toutes les femmes tuées, violées, agressées, mal considérées est nécessaire et juste, mais cela doit se faire dans un cadre judiciaire, estime l’avocate.
Tribune. Les balances ont gagné. Dans la nuit du 28 septembre, un homme s’est donné la mort. Depuis plusieurs semaines, la rumeur avait envahi les réseaux sociaux et une certaine presse spécialisée. Dans l’œil du cyclone : un talentueux chef japonais, attaqué d’être coupable de viols et d’agressions sexuelles. Des faits d’une extrême gravité. Il a été définitivement condamné par le verdict qu’a rendu le mouvement de libération de la parole des femmes, porté par des journalistes ou blogueurs improvisés pseudo-enquêteurs. Attaqué car la délation, avant d’être une accusation, est bien une attaque. Coupable car la délation suffit et porte en son sein la vérité absolue, celle qui s’impose, celle qui n’a nul besoin d’être démontrée, celle qu’un simple doute, même murmuré, offense, bannissant celui qui a osé l’exprimer.
Dites-nous : combien de corps voulez-vous ? Vous qui vantez les dénonciations nominatives publiques avant tout procès, vous qui jetez aux oubliettes la justice, sous prétexte qu’elle serait défaillante, mais avant même de l’avoir saisie. Combien de morts voulez-vous et, juste derrière eux, ce sombre cortège de vies brisées, tous ceux que vous réduisez, dans le mépris indifférent, à de simples « dommages collatéraux », ces innocents devenus vos victimes ? Combien vous en faut-il ?
L’urgence féministe est indiscutable. La cause est vitale, juste et noble. L’infériorité de la femme, vécue comme l’évidence la plus répétitive de l’histoire de l’humanité, cette sous-condition infligée pendant des millénaires, dénoncée depuis longtemps mais entendue depuis à peine soixante-dix ans, justifie l’intensité de ce mouvement aux allures très disparates, regroupé derrière le #metoo. On a et on aura toujours raison de se battre pour défendre, sans exception, toutes les femmes, les femmes tuées, violées, agressées, mal considérées et même simplement mal regardées, trop nombreuses et si souvent seules et fragiles. Mais il ne suffit pas d’être du bon côté de la morale pour avoir raison.