« La convention citoyenne butte, comme il était prévisible, sur l’appareil polico-administratif »

  • 2020-10-14 14:26:18
Dans une tribune au « Monde », l’urbaniste Frédéric Gilli et le journaliste Laurent Sablic pointent les écueils des consultations citoyennes lancées par Emmanuel Macron. A commencer par une vision erronée de la crise démocratique. Tribune. Un an après sa création, la convention citoyenne est dans l’impasse. Emmanuel Macron sort joker sur joker pour en écarter certaines propositions mais, à la différence de ce que suggèrent Eric Piolle et Matthieu Orphelin dans une récente tribune au Monde (« Semaine après semaine, les mesures fortes de la convention pour le climat sont abandonnées », Le Monde du 30 septembre), ce n’est pas d’un reniement qu’il s’agit. La convention butte, comme il était prévisible, sur le mur froid de l’appareil politico-administratif. Le pouvoir a sa responsabilité : en plaçant les citoyens en arbitre de choix techniques, le président s’est mis dans une situation intenable. Il a récupéré une liste de mesures « à prendre ou à laisser », définies dans les moindres détails de leur application… avant la crise sanitaire. Ayant invité les citoyens à porter des propositions radicales tout en les confinant à la production d’une boîte à outils, le président s’est lui-même privé des marges nécessaires à toute transformation ambitieuse. Habitants méfiants et désabusésA trois reprises déjà, des initiatives démocratiques innovantes souhaitées par Emmanuel Macron se sont heurtées aux limites de la technocratie participative. En juillet 2016, alors candidat, il engage une « grande marche » à travers le pays, mais ne fait pas le lien avec son projet présidentiel. En décembre 2018, en réponse aux « gilets jaunes », il lance un grand débat national inédit depuis les Etats généraux de 1789. De cet engouement démocratique massif, le pouvoir ne tire publiquement aucun enseignement pour la suite du quinquennat. Enfin, en octobre 2019, le président organise la convention citoyenne, dont les conclusions sont une à une désavouées par les ministres concernés et la technostructure. Ce bilan fait le bonheur de ceux qui contestent le principe même de faire appel aux citoyens pour concevoir de meilleures politiques publiques. Les habitants, eux, sortent de plus en plus méfiants et désabusés de dispositifs qui apparaissent comme autant de « cautions citoyennes ». Au moment où les « conférences citoyennes » se multiplient partout dans le pays, que penser de l’échec d’une convention nationale qui a bénéficié de moyens humains, scientifiques et économiques considérables ? Pourquoi tant d’efforts et de bonne volonté ont-ils un résultat si fragile politiquement ? Une « démocratie d’élevage » D’abord, il manque à ces conventions la parole brute de ceux qui sont au cœur des problématiques de notre société, celle des habitants en rupture démocratique vivant dans les quartiers populaires ou les zones rurales, et notamment les jeunes. Leur parole est absente du débat public faute d’une attention suffisante aux panels de participants.

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