« La levée de l’embargo sur les armes à destination de l’Iran serait une erreur stratégique majeure »

  • 2020-10-18 15:58:20
Décrétée par l’ONU et l’Union européenne, la mesure arrive à échéance le 18 octobre. Sa reconduction est un instrument essentiel pour rétablir ou maintenir la paix et la sécurité internationales soulignent, dans une tribune au « Monde », des parlementaires de la majorité et de l’opposition, dont d’anciens premiers ministres et d’anciens ministres des affaires étrangères ou de la défense, parmi lesquels Bernard Cazeneuve, Daniel Cohn-Bendit et Bernard Kouchner. Tribune. Le système international est entré dans une phase chaotique. Les structures multilatérales qui constituaient l’épine dorsale de notre stratégie d’influence sont mises à mal. La pandémie a accéléré ce processus. Des dirigeants belliqueux cherchent à mettre à profit cette confusion grandissante pour étendre leur influence en menant une politique expansionniste et déstabilisatrice. Face à ces immenses défis, la pire des attitudes consisterait à se défausser en tenant les instances multilatérales à l’écart des dossiers les plus sensibles, alors même que les contentieux non résolus fragilisent davantage ces dernières. C’est notamment le cas de la question de l’embargo sur les armes à destination ou en provenance de l’Iran imposé par l’Union européenne et les Nations unies en application de la résolution 2231 du Conseil de sécurité. Cet embargo arrive à échéance le 18 octobre. Sa non-reconduction serait une erreur stratégique majeure dont les répercussions se feraient sentir bien au-delà du Moyen-Orient et du sous-continent indien. Parlementaires et responsables politiques issus de la majorité comme de l’opposition, nous sommes bien sûr attachés à l’autonomie stratégique de notre pays et tenons d’emblée à souligner que notre démarche ne consiste en rien à s’aligner sur la position défendue par l’actuelle administration américaine. Certains d’entre nous ont avec cette dernière des désaccords de fond. Pour autant, nous ne pouvons pas faire l’impasse sur les graves répercussions diplomatiques, sécuritaires et économiques que ne manquerait pas d’occasionner la levée de l’embargo sur les armes à destination de l’Iran. Facteur de déstabilisation Cette décision funeste contribuera tout d’abord à accroître les antagonismes au Moyen-Orient et constituera un nouveau facteur de déstabilisation dans une région qui traverse de graves crises. Dans ce contexte, la rivalité irano-saoudienne a pris, ces derniers mois, une tournure particulièrement inquiétante. Ces deux puissances régionales s’affrontent dans un conflit indirect, mais de plus en plus violent, en Irak, en Syrie, au Yémen, ainsi qu’au Liban. Le risque de guerre ouverte est réel tant les facteurs qui alimentent cet affrontement sont nombreux : lutte pour le leadership régional, idéologies religieuses concurrentes et rivalité économique liée au marché des matières premières. La levée de l’embargo sur les armes aura une deuxième conséquence majeure particulièrement néfaste pour la sécurité et la stabilité régionales. En permettant au régime iranien d’acheter librement des armes, mais aussi de les vendre et donc de les exporter, cette décision déclenchera inévitablement une course aux armements au Moyen-Orient. La nébuleuse de milices islamistes chiites que Téhéran arme, finance et entraîne en sera la principale bénéficiaire. Cette guerre par milices interposées exacerbe les fractures idéologiques et ethno-confessionnelles qui sont le terreau des conflits du Moyen-Orient.

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