« Le siège des Nations unies demeure un establishment masculin parmi tant d’autres »

  • 2020-11-03 18:31:59
Dans une tribune au « Monde », Deborah Rouach et Alice Apostoly, coprésidentes de l’Institut du genre en géopolitique, déplorent l’absence des femmes aux tables de négociations de paix ainsi qu’au sein des instances onusiennes, vingt ans après l’adoption de la résolution « Femmes, paix et sécurité ». Tribune. Le 31 octobre 2000, dans le contexte de violences inouïes faites aux femmes au Rwanda et en ex-Yougoslavie, le Conseil des Nations unies adoptait la résolution 1325 « Femmes, paix et sécurité », première à inscrire la perspective de genre dans le dénouement des conflits et les processus de paix. La communauté internationale reconnaît depuis le lourd tribut que paient les femmes en temps de guerre mais peine à instaurer les conditions essentielles à leur protection. L’adoption de la résolution 1325 a été un tournant dans l’histoire des relations internationales en reconnaissant l’impact disproportionné de la guerre sur les femmes, mais les progrès qui l’ont suivi restent limités. Dix-neuf ans après, l’adoption de la résolution 2467 aurait dû marquer une autre grande avancée en matière d’autonomisation et de représentation des femmes : elle devient pourtant le symbole d’un manque de volonté politique des Etats membres alors qu’elle est vidée de sa substance par les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Elle devait garantir l’accès aux soins relatifs à la santé sexuelle et reproductive – soins dont les victimes de crimes sexuels ont cruellement besoin. Cette hostilité politique expose l’inertie des mentalités en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et un retour à des valeurs conservatrices qui n’épargnent pas les instances internationales – et encore moins les femmes. Ces valeurs sont défendues par des hommes puissants qui bénéficient d’un certain statu quo : un soutien verbal diplomatique convenu mais un refus de voir des femmes aux tables de négociation. Le siège des Nations unies demeure un establishment masculin parmi tant d’autres. Les femmes actrices de paix ne sont pas soutenues, au même titre que les femmes victimes de guerre. Une femme qui essaiera de faire entendre son récit risque d’être stigmatisée, voire tuée dans le cas d’un crime d’honneur. Malgré les risques encourus, elle n’aura que peu de chance d’obtenir justice. Les procédures pénales en cas de viol en temps de conflit demeurent longues, compliquées et coûteuses – quand bien même une procédure est engagée par la Cour pénale internationale (CPI).

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