Laurent Berger : « On ne doit pas laisser toute une frange de la population sur le bas-côté »
2020-11-08 18:06:32
Pour répondre aux attentes des salariés touchés par la crise, et notamment les plus jeunes, les organisations syndicales doivent revoir leur organisation et leurs modes d’action, estime le secrétaire général de la CFDT dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Plongé dans le bain du révélateur de la crise sanitaire, le monde du travail dévoile une photographie minée par les inégalités. Les salariés qui enchaînent les « petits boulots » pour s’en sortir, les indépendants fragilisés par un statut qui les protège moins que les autres, les jeunes bloqués aux portes du marché de l’emploi par une explosion du nombre de chômeurs, les salariés des petites entreprises peu représentés…
Tous ces travailleurs sont aujourd’hui en grande difficulté. Nombre d’entre eux sont susceptibles de tomber d’un instant à l’autre du fil sur lequel ils se tenaient tant bien que mal. Pour d’autres, la chute s’est déjà produite ces derniers mois. Dix millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont touchés par la pauvreté.
Ce sombre tableau nous interroge. Les travailleurs les plus précaires sont souvent les plus éloignés des combats qui ont fondé le syndicalisme et transformé la valeur créée en bien-être collectif. Les institutions et protections construites tout au long de l’histoire du mouvement ouvrier ne sont pas toujours adaptées à leur réalité. Elles doivent évoluer dans leurs principes pour réduire la fracture qui se creuse entre des travailleurs protégés qui ont des emplois stables, et ceux qui se sentent relégués… et qui malheureusement le sont. Partir du réel pour améliorer le présent : c’est la voie dans laquelle le syndicalisme doit s’engager pour faire la preuve de son utilité.
Par exemple, avant la crise, les contrats à durée déterminée représentaient 80 % des embauches. Un quart d’entre eux ne dépassait pas un jour de travail. Difficile dans ces conditions de croire en l’action collective pour améliorer sa situation. Notre avenir passe par un dialogue social exigeant qui articule critique sociale, propositions, engagement et responsabilité. Depuis des années, nous réclamons justement qu’une action soit menée dans les branches pour éviter des abus qui ne donnent aucune perspective d’avenir pour les travailleurs et plombent les comptes de l’assurance-chômage.