Liban : « La crise peut être l’occasion d’une transformation radicale du système d’aide internationale »

  • 2020-12-04 00:15:13
La communauté internationale doit soutenir la création d’un consortium regroupant les pays donateurs et les organisations de la société civile, estime, dans une tribune au « Monde », Clothilde Facon, doctorante en sociologie politique, qui appelle à s’appuyer sur les acteurs de terrain plutôt que sur une « caste politique corrompue ». Tribune. Cette semaine a lieu à Paris une nouvelle conférence de soutien au Liban, à la suite de l’explosion catastrophique qui a ravagé Beyrouth [le 4 août]. Les négociations achoppent sur la formation du futur gouvernement et la mise en œuvre de réformes, telles qu’une loi sur le contrôle des capitaux, un plan de lutte contre la corruption et la réforme du secteur de l’électricité, conditions sine qua non pour recevoir cette aide. Pendant des décennies, l’aide envoyée au Liban a permis de maintenir la caste politique corrompue au pouvoir en finançant son clientélisme. L’explosion a révélé les limites d’une telle complicité. Que faire, quand la catastrophe humanitaire dans laquelle est plongé le pays – de la crise économique et financière à l’explosion – résulte directement de la main criminelle de l’Etat ? Au lendemain de l’explosion, Emmanuel Macron a vilipendé la classe politique, mais son soutien est demeuré inchangé. Si le président de la République a d’abord évoqué d’éventuelles élections anticipées et la formation d’un gouvernement d’indépendants, il s’est rapidement rabattu sur la formule prémâchée du « gouvernement d’union nationale » rassemblant les forces au pouvoir, celle-là même qui a eu cours ces trente dernières années, et est responsable de la situation dans laquelle se trouve le pays. Un système à changer Les acteurs locaux le répètent : si la communauté internationale pense que le changement peut venir de ceux qui sont au pouvoir, elle va droit dans le mur. Des réformes ne seront pas suffisantes, c’est le système qu’il faut changer. Or, l’initiative française laisse de côté la remise en cause du système confessionnel (dont la France s’accommodait jusqu’ici fort bien, en finançant en priorité des institutions chrétiennes) ainsi que la responsabilité des autorités dans les crimes passés, de la corruption financière à l’explosion. L’heure est venue pour la communauté internationale de s’attaquer au cœur du problème : la distribution du pouvoir et des richesses d’une part, et l’absence chronique de responsabilité des dirigeants libanais d’autre part. La crise libanaise peut en effet être l’occasion d’une transformation radicale du système d’aide internationale, qui cesserait ainsi de se faire complice des structures de pouvoir existantes, et serait alors dirigé par la raison morale. Un tel changement serait le moyen le plus efficace d’aider les Libanais, mais aussi les Syriens, les Palestiniens et les travailleurs migrants qui résident au Liban.

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