« Il y a urgence à inclure la question des bons niveaux en mathématiques dans la réforme systémique de notre école »
2020-12-21 21:14:35
Les enquêtes internationales montrent qu’il faut non seulement relever le niveau des « mauvais », mais aussi accroître massivement le nombre des « bons », soulignent le mathématicien Martin Andler et la sociologue Vanessa Wisnia-Weill.
Tribune. Les résultats de la dernière enquête internationale Timss [Trends in International Mathematics and Science Study], publiée le 8 décembre, ne nous redisent pas seulement les faits bien connus du débat public et qui focalisent l’attention : performance médiocre des élèves français, baisse du niveau depuis vingt ans, poids des inégalités sociales à l’école et nombre élevé d’élèves en échec. Réalisée en mai 2019 sur un échantillon de 4 186 enfants de CM1 et 3 874 adolescents de 4e, cette enquête, où la France figure au dernier rang dans les pays de l’Union européenne, insiste sur une vérité taboue dont on n’a collectivement pas assez pris la mesure.
Comme, chacun de notre côté, nous l’avions souligné dès 2014 : en mathématiques et en sciences, nos bons élèves ne sont pas si bons, et certainement pas assez nombreux à l’être. Les résultats Timss sont plus précis : seulement 3 % de nos CM1 sont très bons. En 4e, 2 % sont très bons contre 11 % des Anglais, 14 % des Américains (et 51 % des Singapouriens).
A cet étiage, il ne s’agit plus de médiocrité mais de déclassement général des jeunes Français, et pas seulement de sous-investissements dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (même s’ils sont évidemment plus que jamais nécessaires) ou d’une insuffisante mixité sociale. La réalité statistique est impitoyable : même les 50 % d’écoles sur les territoires les plus favorisés, n’arrivent pas à former 5 % d’élèves de bon niveau !
Est-ce parce que toute forme d’ambition apparaît comme un élitisme insupportable ? Il y aurait d’un côté le cercle discret des 2 % des plus talentueux ou plus privilégiés, destinés à nos filières hyperélitistes, de l’autre 15 % de jeunes en grande difficulté scolaire et sociale pour lesquels on agit, mais certainement pas assez. Entre les deux, effet paradoxal de la démocratisation scolaire, une large majorité d’élèves peut-être trop couvés par leurs parents, à qui le système scolaire ne délivre aucun message d’émulation et d’ambition.
L’incapacité croissante de notre système éducatif ne se limite pas aux mathématiques. Sauf que ne pas former suffisamment de cadres de bon niveau là où une certaine compétence scientifique et numérique est nécessaire menace notre pays.
On ne pense pas qu’aux futurs chercheurs, mais aux ingénieurs, médecins, enseignants, informaticiens, économistes, agriculteurs, énergéticiens, manageurs, ainsi qu’aux administrateurs locaux et hauts fonctionnaires. Et aux citoyens capables d’exercer leur citoyenneté avec les moyens leur permettant de participer à une délibération argumentée sur la gestion d’une pandémie ou l’élaboration d’une trajectoire de décarbonation à horizon 2050.