Universités : « Le risque est réel d’un décrochage massif »
2021-01-03 16:51:13
Rouvrir les établissements d’enseignement supérieur doit être une priorité, souligne, dans une tribune au « Monde », un collectif d’universitaires, de professeurs et d’étudiants.
Tribune. La crise sanitaire n’en finit pas. Mais il y a une constante : les universités et les étudiants sont la dernière des préoccupations du gouvernement et du président de la République. Tout passe avant, tout est considéré comme plus essentiel. La jeunesse peut attendre. Ses études aussi.
On ne pourrait guère s’aveugler plus sur la réalité de ce qui se passe actuellement dans l’enseignement supérieur. Car il y a urgence. La situation d’« enseignement dégradé » que nous vivons ne peut pas s’éterniser. Les cours entièrement à distance (que le néologisme « distanciel » tente de nous vendre trompeusement comme équivalents aux cours « en présentiel ») épuisent aussi bien les étudiants que les enseignants. Ils ne peuvent être qu’une solution provisoire, un pis-aller. En l’ignorant, nous prenons le risque de sacrifier les étudiants les plus fragiles.
Un instrument de sélection
Car l’enseignement à distance pose de gros problèmes. Il est en train de devenir un instrument de sélection inavouée entre ceux qui ont l’équipement informatique adéquat et, surtout, des lieux d’habitation qui leur permettent de s’isoler pour travailler et pour suivre les cours, et ceux qui ne les ont pas. Ne sous-estimons pas les difficultés, parfois insurmontables, à simplement être en capacité d’écouter un cours dans des conditions convenables dans un appartement où vivent de nombreuses autres personnes, qu’il s’agisse de la famille ou de colocataires.
Le risque est réel d’un décrochage massif. Au-delà de la perte d’un semestre ou d’une année, de nombreux abandons d’études sont à craindre. Au cours du semestre, nous avons vu le nombre d’étudiants connectés chuter dramatiquement au fil des semaines, en particulier dans les premières années. Parfois, plus de la moitié des étudiants n’ont pas pu suivre. Les taux de présence aux partiels en ligne sont inquiétants, bien plus bas que les années précédentes. On ne pourra faire le bilan complet de ces cours en « absenciel » qu’à la fin de l’année, mais il sera alors trop tard pour ceux que nous voyons tous les jours décrocher.
Le premier confinement était intervenu à la fin de l’année universitaire, dans un contexte où les méthodes de travail avaient été déjà mises en place, le lien avec les étudiants instauré, les orientations données. Cet automne, la situation est très différente.