Armée française : « Une réflexion éthique et politique sur le “soldat augmenté” est nécessaire »

  • 2021-01-04 17:50:32
La modification des caractéristiques humaines du combattant, à laquelle le comité d’éthique de la défense a rendu un avis favorable début décembre, est injustifiable en l’état, estiment, dans une tribune au « Monde », les philosophes Bernadette Bensaude-Vincent et Emmanuel Hirsch et le professeur de médecine Kostas Kostarelos. Tribune. Le 18 septembre, le comité d’éthique de la défense a remis à la ministre des armées, Florence Parly, un avis sur « le soldat augmenté », rendu public au début de décembre. Un tel avis appelle une discussion bien au-delà des cercles de la défense, comme le soulignait l’article que lui consacrait Le Monde daté du 5 décembre. Il soulève, en tout cas, des inquiétudes, car sur cette question largement débattue depuis deux décennies, il adopte une position tranchée. Le comité se prononce en faveur de la recherche sur les nouvelles techniques d’augmentation des capacités physiques et cognitives. Il le justifie par la nécessité d’adapter les performances de la combativité des militaires face à des adversaires faisant usage de technologies qui imposeraient de conformer l’homme à ces innovations. En d’autres termes, puisque d’autres pays ont fait le choix de modifier les caractéristiques humaines du soldat afin d’en faire un instrument intégré aux stratégies de la guerre technologique, nous ne disposerions d’aucune autre option que de nous soumettre aux impératifs de cette compétition. Convient-il de se résoudre à accepter cette mutation anthropologique, qui concerne l’intégrité de la personne, au nom de l’intérêt supérieur de la défense nationale ? Ne justifiait-elle pas une concertation, y compris au plan international, dès lors qu’elle a un impact sur les valeurs de dignité, de liberté et d’égalité affirmées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ? Dilemmes renouvelés Faut-il rappeler que les enjeux de la guerre ont suscité des controverses philosophiques et juridiques, par exemple sur le droit de tuer ? L’augmentation médicalisée des performances du soldat renouvelle les dilemmes soulevés par l’usage des drones, relatifs à la prise de décision dans un contexte modifié par les technologies. « L’art de la guerre » a toujours été un puissant moteur d’innovations techniques. Leurs implémentations dans la vie civile sont évidentes, ne serait-ce que dans les technologies de l’information et de la communication. On doit donc être attentifs à la signification et aux effets de cette augmentation de l’humain sur nos représentations et nos pratiques sociales. Il paraît discutable de limiter la réflexion à la délibération d’un comité d’éthique dédié à la défense, alors que son avis relatif au soldat augmenté concerne nos principes d’humanité dans l’ensemble de la société.

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