« La très pragmatique stratégie de combat des élus républicains qui contestent la présidentielle américaine »
2021-01-05 20:40:33
Nombre de sénateurs républicains tiennent à entretenir l’idée d’un scrutin frauduleux aux dépens de Trump afin de gagner en visibilité et, par là même, en apports de fonds, explique dans une tribune au « Monde » le politiste Maxime Chervaux.
Tribune. En 1824, la Chambre des représentants a dû départager les trois candidats arrivés en tête de la présidentielle, faute d’une majorité au collège électoral. Un « marché corrompu » supposé entre le vainqueur, le secrétaire d’Etat sortant John Quincy Adams, et le speaker de la Chambre, qu’il choisit pour le remplacer, entacha alors la légitimité de l’élection, détruisit l’assise du parti dont Adams était l’héritier, et mena à la création du Parti démocrate autour du général Andrew Jackson, candidat malheureux pourtant arrivé en tête du vote populaire.
Joe Biden a gagné une majorité en 2020, mais plusieurs républicains vont néanmoins contester les résultats lors d’une session du Congrès le 6 janvier. Ce jusqu’au-boutisme a poussé un représentant du New Jersey a les dépeindre comme des « traîtres », tandis que Chris Wallace, présentateur vedette de la chaîne Fox News, a reproché Steve Scalise, numéro deux du groupe républicain à la Chambre, de soutenir l’invalidation de « millions de voix de [ses] concitoyens américains ».
L’enjeu géorgien
Cela dit, derrière ce combat post-électoral aux allures partisanes se cache une stratégie beaucoup plus pragmatique. Le deuxième tour des sénatoriales en Géorgie, le 5 janvier, va déterminer la couleur politique du Sénat. Soixante-dix-huit pour cent des républicains pensent que l’élection n’était pas juste, ce qui amène le parti à entretenir l’idée d’un scrutin frauduleux pour maintenir les électeurs géorgiens mobilisés. Après la victoire surprise de Joe Biden dans l’Etat, ils savent que la participation sera décisive : deux millions de bulletins (26,8 % des inscrits) étaient déjà comptabilisés le 24 décembre.
Cette rhétorique permet également de maintenir les donateurs mobilisés. Les démocrates Jon Ossoff et Raphael Warnock ont récolté plus de 100 millions de dollars chacun en deux mois. Face à eux, les républicains sortants David Perdue et Kelly Loeffler se sont rangés dans le sillage médiatique du président pour lever des fonds. Signe de l’importance de ces sièges pour la présidence Biden, les résidents du Texas et de Floride ont contribué autant que les Géorgiens. La Californie six fois plus.